Du Fayoum à l’art chrétien

Le chaînon manquant entre l’art grec et la Renaissance

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1995 - 479 mots

Dans un essai intitulé Portraits du Fayoum, visages de l’Égypte ancienne, une universitaire et artiste grecque, Euphrosyne Doxiadis, soutient que les portraits funéraires réalisés en Égypte durant les trois premiers siècles de notre ère ont inspiré les icônes byzantines et les retables italiens à fond d’or. Selon cet ouvrage, les panneaux du Fayoum, qui s’inscrivent dans la tradition picturale grecque de l’École d’Alexandrie, constitueraient le \"chaînon manquant\" entre l’art perdu de la Grèce classique et la peinture européenne moderne.

La thèse d’Euphrosyne Doxiadis ne manquera pas d’être discutée. Selon elle, il existe un lien direct entre les portraits du Fayoum et l’art chrétien postérieur.

Elle souligne notamment les similitudes, en particulier dans l’expressivité du regard, entre les portraits mortuaires du Fayoum et les icônes des VIe et VIIe siècles conservées dans le monastère de Sainte-Catherine, sur le mont Sinaï. De plus, les portraits égyptiens et les icônes byzantines partagent certaines caractéristiques techniques : la détrempe et la peinture à base d’encaustique, la palette à base de blanc, ocre jaune, rouge et noir pour les chairs, ainsi que la façon de travailler la lumière. En outre, certains portraits égyptiens sont peints sur fond d’or, ce qui les rattacherait à la fois aux icônes et aux premiers retables italiens.

En Égypte, l’usage des portraits funéraires remplaçant l’ancien masque des momies paraît commencer peu après la conquête romaine, en 30 av. J.-C. Cette pratique durera jusqu’au IIIe siècle de notre ère. Plusieurs de ces portraits semblent avoir été peints du vivant du modèle, et certains spécialistes pensent même qu’ils étaient accrochés dans les demeures des propriétaires, avant leur mort. Après les funérailles, ces panneaux peints étaient ajustés sur les momies et, grâce au climat sec de la région du Fayoum, plus d’un millier d’entre eux ont été retrouvés.

À l’origine de l’icône
Euphrosyne Doxiadis pense que cette coutume a été adoptée par les chrétiens et échafaude une théorie nouvelle sur l’évolution du premier art chrétien. Elle suggère que durant la persécution du christianisme, en Égypte, les corps des martyrs ont été embaumés et que des portraits peints ont alors été placés sur leurs momies. Obligés de fuir, les chrétiens auraient emporté avec eux ce qu’ils avaient de plus précieux et de plus facilement transportable. C’est ainsi que ces portraits funéraires, devenus des objets de culte, seraient la préfiguration des icônes de la Vierge ou du Christ, forme d’art que l’on considérait jusque-là comme le début de la peinture chrétienne sur panneau.

En outre, alors que la plupart de ces portraits funéraires ont été trouvés dans la province du Fayoum, au sud-ouest du Caire, Doxiadis apporte de nouveaux témoignages prouvant que ce type de peinture s’est propagé au-delà de cette région.

Portraits du Fayoum, visages de l’Égypte ancienne, Euphrosyne Doxiadis, traduit de l’anglais par Dennis Collins, éditions Gallimard, 256 p., 274 ill. dont 124 en couleurs, 480 F jusqu’au 31 décembre, 550 F ensuite.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Du Fayoum à l’art chrétien

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque