Sotheby’s retrouve un Rubens

L’auctioneer mettra en vente “Le Massacre des Innocents”? le 11 juillet

Le Journal des Arts

Le 22 mars 2002 - 635 mots

Un chef-d’œuvre de Rubens, récemment retrouvé, sera la grande attraction de la vente de maîtres anciens qu’organisera Sotheby’s le 11 juillet à Londres. Le Massacre des Innocents est estimé 4 à 6 millions de livres (de 6,4 à 9,6 millions d’euros), même si ce prix semble bien dérisoire comparé aux résultats obtenus récemment par de grands tableaux de maîtres anciens. L’œuvre pourrait donc partir à un prix nettement plus élevé.

Londres (de notre correspondante) - Le tableau a été identifié lorsqu’un client en a présenté la photographie pour une évaluation de routine au bureau d’Amsterdam. L’image a été envoyée par e-mail à Londres, où des spécialistes ont commencé à reconstruire son histoire. L’attribution a été confirmée par deux éminents chercheurs britanniques, David Jaffé de la National Gallery, et Christopher Brown, directeur de l’Ashmoleum Museum à Oxford, mais aussi par Paul Hovenne, du Corpus Rubenianum d’Anvers, qui travaille actuellement à l’élaboration d’un catalogue raisonné de l’œuvre de l’artiste. Le tableau est associé à un autre Rubens, Samson et Dalila, acheté par la National Gallery en 1980 pour 2,5 millions de livres sterling. Dès 1702, les deux tableaux appartenaient à la collection du prince de Liechtenstein et étaient accrochés côte à côte dans sa résidence d’été à Vienne. Au cours du XVIIIe siècle, l’attribution à Rubens a été oubliée et, à partir de 1780, aussi bien le Samson et Dalila de la National Gallery que le Massacre des Innocents ont été attribués à Jan van den Hoecke (1611-1651) qui avait travaillé à Vienne dans le style de Rubens. Lorsque la National Gallery a acheté le Samson et Dalila en 1980, il l’a été au détriment d’un enchérisseur qui n’était autre que le prince de Liechtenstein qui souhaitait racheter le tableau pour la collection familiale. Aujourd’hui, un ouvrage récent signé d’un chercheur grec, Euphrosyne Doxiadis, remet en cause l’authenticité de l’œuvre, avançant qu’elle aurait été peinte plusieurs siècles plus tard. Cette proposition est récusée par la National Gallery et par les plus grands spécialistes de Rubens, parmi lesquels Christopher Brown. David Jaffé, de la National Gallery, nous a déclaré : “Je n’ai jamais eu le moindre doute concernant notre tableau, comme tout spécialiste sérieux de Rubens. Il a été commandé par Rockox, le mécène de Rubens, en 1608-1609, et on le connaît par une gravure ancienne ; on ne peut rêver meilleure provenance. Et la réapparition du Massacre des Innocents ne fait qu’ajouter foi à notre tableau : les deux compositions appartenaient à un petit groupe d’œuvres précoces dont la plus connue est le Portement de croix de la cathédrale d’Anvers. Toutes ces œuvres sont très proches d’un point de vue stylistique.”
Le Massacre des Innocents a été vendu par la famille de Liechtenstein en 1920 à un marchand, qui l’a revendu la même année au père de l’actuelle propriétaire, qui serait une vieille dame européenne. Le tableau a été comparé à une autre version d’atelier conservée au Musée des beaux-arts de Bruxelles, et les spécialistes sont convaincus que la version fraîchement découverte est bel et bien le chef-d’œuvre perdu de Rubens. Le tableau porte le sceau de la famille de Liechtenstein et il a été peint sur un panneau provenant d’Anvers au XVIIe siècle. Ayant été conservé à l’abri dans des collections privées pendant pratiquement toute son existence, la couche picturale présente un état de conservation presque parfait. C’est une œuvre du début de la carrière de l’artiste, exécutée peu après son retour d’Italie, et datée de 1609-1611. Même si la réalisation est digne d’un grand maître, le sujet traité reste pénible, avec ses bébés massacrés et ses mères à moitié nues, agonisantes, qui se tordent de douleur. Cette peinture, qui n’est pas exactement un “tableau de boudoir”, est néanmoins une œuvre très rare et de prime importance. Elle devrait donc attiser les convoitises de plusieurs institutions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°145 du 22 mars 2002, avec le titre suivant : Sotheby’s retrouve un Rubens

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