Royaume-Uni - Ventes aux enchères

Art moderne et contemporain

Londres au firmament

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 1050 mots

Semaine de folie à Londres où les ventes d’art impressionniste, moderne et contemporain ont totalisé plus de 583 millions d’euros.

LONDRES - La semaine des ventes londoniennes consacrées à l’art impressionniste, moderne et contemporain chez Christie’s et Sotheby’s, du 5 au 9 février, s’est déroulée dans un climat de folie, dans la lignée de ce qui s’est passé à New York en novembre dernier. 386,5 millions de livres (583,8 millions d’euros) ont été amassés en cinq jours, du jamais vu en Europe.

L’art contemporain a témoigné de la vivacité du marché. Study for Portrait II, peint en 1956 par Bacon, s’est envolé à 14 millions de livres (21,2 millions d’euros) au profit de la galerie new-yorkaise Richard Gray. C’est un record pour l’artiste et le deuxième prix mondial pour une œuvre d’art d’après-guerre en vente publique (tout juste derrière la toile de de Kooning vendue le 15 novembre dernier chez Christie’s), si l’on compare les enchères en dollars. Avec les taux de conversion en euros, le tableau de Bacon passe légèrement au-dessus de celui de de Kooning. Signe que la place de Londres rivalise avec celle de New York ? Selon Robin Woodhead, président de Sotheby’s Europe et Asie, « l’ensemble des ventes de la semaine rétablit Londres comme centre d’activité prééminent du marché de l’art mondial, avec une capacité à attirer des collectionneurs du monde entier se disputant pour les œuvres “top qualité” de différentes catégories. »

En matière d’art contemporain, la maison Sotheby’s a aussi eu son heure de gloire avec White Canoe, huile sur toile de l’Écossais Peter Doig datée de 1990/1991, qui a été vendue 5,7 millions de livres (8,5 millions d’euros), soit cinq fois son estimation et le plus haut prix jamais atteint pour un artiste européen vivant. Notons qu’à 2,5 millions de livres (3,7 millions d’euros), il y avait encore cinq enchérisseurs sur le tableau dont un amateur russe.

Dans la même vente, Lucian Freud, Francis Bacon, Frank Auerbach, David Hockney et Bridget Riley ont rejoint le petit groupe des artistes anglais du XXe siècle à avoir dépassé la barre du million de livres (1,5 million d’euros). Abstraktes Bild, œuvre abstraite de 1991 de Gerhard Richter, l’une des plus importantes de cette série commencée au milieu des années 1970, s’est vendue deux fois son estimation basse pour 2,8 millions de livres (4,2 millions d’euros). L’image d’Andreas Gursky 99 cent II, Diptych (2001), adjugée 1,7 million de livres (2,5 millions d’euros), occupe désormais la place de la photographie aux enchères la plus chère du monde. Outre le Bacon, Christie’s affiche quelques enchères remarquables, dont une Brigitte Bardot de 1974 par Warhol, vendue 5,4 millions de livres (8,1 millions d’euros) contre une estimation haute de 2 millions de livres. Cette œuvre, l’une d’une série de huit portraits du sex-symbol, apparaissait pour la première fois en vente publique et avait été acquise directement auprès de l’artiste.

L’art impressionniste suit le mouvement
L’art impressionniste et moderne a aussi fait des étincelles dans les deux maisons de ventes. Chez Sotheby’s, la vente de prestige s’est envolée à 94,9 millions de livres (143,9 millions d’euros), soit un record pour une vente publique en Europe. Chaïm Soutine a décroché l’enchère la plus élevée avec l’Homme au foulard rouge emporté par un marchand américain au quasi double de son estimation pour 8,7 millions de livres (13,2 millions d’euros), soit un record mondial pour l’artiste. Tout juste dix ans auparavant, cette toile s’était vendue à Londres pour 1,5 million de livres (2,3 millions de livres).

Autre record : La Foire aux Oignons, huile sur toile de 1907 par Raoul Dufy, a égalé l’enchère de 4 millions de livres (6 millions d’euros) réalisée par la Maison du Jardinier (1884) de Claude Monet. Les amateurs se sont battus pour deux œuvres d’Edvard Munch : View from Nordstrand, de 1901-1900, a fait 3,8 millions de livres (5,7 millions d’euros), plus de deux fois son estimation haute. Pour Springtime, peint en 1911-1913, les enchères sont montées jusqu’à 3,1 millions de livres (4,7 millions d’euros).

Chez Christie’s, un tableau de Fernand Léger était à l’honneur. Les maisons dans les arbres (1914) ont été vendues 6,3 millions de livres (9,5 millions d’euros) devant la Jeune fille au béret (1918) de Soutine, adjugée 6 millions de livres (9,2 millions d’euros). La vente a aussi porté au firmament la célèbre peinture de Magritte Le prêtre marié de 1961 pour 5,3 millions de livres (8 millions d’euros), un deuxième prix pour l’artiste. Ces trois tableaux sont partis dans des collections européennes comme environ la moitié des œuvres d’art moderne et contemporain de cette extraordinaire session de février à Londres. Il reste encore une marge de manœuvre pour organiser en France des ventes de cet acabit. En théorie seulement.

Les arts russe et chinois décollent

La maison Phillips de Pury & Company présentait le 6 février à Londres une collection d’une quarantaine de peintures de vingt-sept artistes chinois. Les trois meilleures enchères reviennent à Bloodline Series-Family (1997) par Zhang Xiaogang, adjugé 321 600 livres (480 400 euros), au double de l’estimation haute ; Mask Series n°6 (1997) de Zeng Fanzhi, parti à quatre fois son prix pour 232 000 livres (346 700 euros) et Amnesia and Memory – Boy par Zhang Xiaogang cédé pour 209 600 livres (313 200 euros). À des prix moins importants, une poignée d’artistes chinois ont enregistré des records mondiaux : Tang Zhigang, Zhou Tiehai, Shen Fan, Fang Zhengquan, Wei Dong et Chen Liangjie. « Cette collection a de loin dépassé nos attentes. Nous avions des enchérisseurs des quatre coins de la planète, y compris de Singapour et Jakarta, mais aussi de nouveaux amateurs d’art contemporain chinois au bout du fil. Certains ont aussi acheté des œuvres contemporaines d’artistes occidentaux, ce qui prouve clairement la synergie croisée entre les deux catégories », commente la spécialiste Michaela Neumeister. Le 15 février, Sotheby’s mettait à l’épreuve du marché un ensemble d’œuvres d’art contemporain russe. Le succès a été éclatant puisque vingt-deux records d’artistes ont été comptabilisés. Près de 50 % des lots se sont vendus au-dessus de leur estimation haute. La meilleure enchère est allée à une peinture abstraite de Evgeny Chubarov acquise pour 288 000 livres (340 000 euros) contre une estimation haute de 60 000 livres par un particulier russe. Des Russes ont également emporté les neuf lots suivants.

CHRISTIE’S ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE (art allemand/ autrichien /art surréaliste), le 6 février (vente du soir) - Experts : Jussi Pylkkänen et Olivier Camu - Résultats : 89,7 millions de livres (135,8 millions de livres) - Lots vendus/invendus : 106/25 - Lots vendus : 80 % - Lots en valeur : 82 % ART D’APRÈS-GUERRE ET CONTEMPORAIN le 8 février(vente du soir) - Experts : Pilar Ordovás - Résultats : 70,4 millions de livres (106,5 millions de livres) - Lots vendus/invendus : 82/2 - Lots vendus : 98 % - Lots en valeur : 99 % SOTHEBY’S ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE (art allemand/autrichien, /art surréaliste), le 5 février (vente du soir) - Experts : Melanie Clore, Simon Shaw et Helena Newman - Résultats : 94,9 millions de livres (143,9 millions d’euros) - Lots vendus/invendus : 75/23 - Lots vendus : 77 % - Lots en valeur : 84 % ART D’APRÈS-GUERRE ET CONTEMPORAIN (vente du soir), le 7 février - Experts : Tobias Meyer - Résultats : 45,7 millions de livres (69,5 millions d’euros) - Lots vendus/invendus : 64/15 - Lots vendus : 81 % - Lots en valeur : 94,1 % Phillips de Pury ART CONTEMPORAIN CHINOIS ISSU D’UNE COLL. PRIVÉE, le 6 février - Experts : Michaela Neumeister et Chin Chin Yap - Résultats : 2,3 millions de livres (3,55 millions d’euros) - Lots vendus/invendus : 41/- - Lots vendus : 100 % SOTHEBY’S ART MODERNE ET CONTEMPORAIN RUSSE, le 15 février - Experts : Joanna Vickery - Résultats : 2,6 millions de livres (3,9 millions d’euros) - Lots vendus/invendus : 91/22 - Lots vendus : 80,5 % - Lots en valeur : 91,3 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Londres au firmament

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