États-Unis - Art contemporain - Justice

Peter Doig gagne un procès extravagant

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 23 janvier 2023 - 534 mots

CHICAGO / ÉTATS-UNIS

Un ancien agent de prison poursuivait le peintre parce que celui-ci niait avoir peint un tableau acheté dans les années 1970. 

Peter Doig © Photo Honkadori - 2010
Peter Doig
Photo Honkadori

Le peintre Peter Doig a obtenu 2,5 millions de dollars de dommages et intérêts devant un tribunal fédéral, dans un litige qui l’opposait à une galerie d’art de Chicago qui le poursuivait depuis 2013. Après un premier procès en 2016, au cours duquel l’artiste écossais avait été appelé à témoigner, un juge avait décidé que l'artiste n'avait pas peint le paysage de désert que la galerie lui attribuait. 

Cette étrange bataille judiciaire, qui aura duré presque dix ans, vient de prendre fin lorsque le juge a finalement condamné la semaine dernière Robert Fletcher, le propriétaire du tableau, et la Bartlow Gallery de Chicago, à verser 2,5 millions de dollars de réparations à l’artiste.

Robert Fletcher déclarait avoir rencontré Peter Doig alors qu'il était étudiant à l'université Lakehead dans l’Ontario, dans les années 1970. Pendant ses études, Robert Fletcher travaillait comme agent correctionnel dans une prison, où il acheta une peinture à un prisonnier pour 100 dollars.

Plusieurs années plus tard, après l'explosion de la carrière de Peter Doig - son White Canoe a été vendu aux enchères pour 11,3 millions de dollars en 2007, ce qui constituait à l'époque un record pour un artiste vivant en Europe - Fletcher a essayé de vendre le tableau comme de la main de l’artiste, en collaboration avec un marchand d'art basé à Chicago, Peter Bartlow. Mais Peter Doig a fermement affirmé que cette peinture n'était pas la sienne. Robert Fletcher et le marchand d’art l'ont alors poursuivi en justice en 2013, en l’accusant de nier la paternité de l'œuvre en raison d'une animosité personnelle envers Fletcher. Ce dernier a allégué qu'il avait servi d'agent de libération conditionnelle au peintre après que celui-ci ait été incarcéré pour possession de LSD. Il a fait valoir que la peinture de 1976 portait la signature « Pete Doige 76 ».

Doig et ses avocats ont répliqué en présentant toutes sortes de documents basés sur son nom complet, Peter Marryat Doig. L'Université Lakehead n'avait pas de dossier d'inscription, la Gendarmerie royale du Canada n'avait pas de dossier de condamnation pour drogue, et les documents de l'école secondaire de l'artiste montraient qu'il était toujours étudiant au moment de la réalisation du tableau.

Ils ont fait valoir que le tableau était probablement de la main d'un autre individu, un canadien nommé Peter Edward Doige, qui faisait de la peinture en amateur et avait été incarcéré dans la même prison que celle où travaillait Robert Fletcher. Ce Peter Edward Doige est né le 7 avril 1955, soit un peu plus de quatre ans avant la naissance de Doig, le 17 avril 1959. Il est décédé en 2012. Les avocats ont même retrouvé la sœur de Peter Edward Doige qui a confirmé que le défunt avait effectué une peine de prison dans l’Ontario, et a fourni une déclaration de sa mort. 

Le tribunal a statué en faveur de l’artiste écossais, concluant que la peinture était bien celle de son presque homonyme. Peter Doig a déclaré que les recettes du procès seraient reversées à une association à but non lucratif qui permet aux personnes incarcérées de faire de l'art.

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