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Les galeries se déconfinent

Par Alexia Lanta Maestrati · Le Journal des Arts

Le 14 mai 2020 - 847 mots

Très inquiets pour leur avenir, les galeristes voient cependant quelques signes positifs émerger de la crise actuelle.

Viewing room de l'exposition Norbert Bisky présentée par la Galerie Templon jusqu'à la fin du mois de mai dans son espace du Grenier Saint Lazare. © Galerie Templon
« Viewing room » de l'exposition « Norbert Bisky » présentée par la Galerie Templon jusqu'à la fin du mois de mai dans son espace du Grenier Saint Lazare.
© Galerie Templon

Paris. Le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) tirait la sonnette d’alarme il y a quelques jours en indiquant – à partir d’une étude réalisée auprès des 279 galeries adhérentes –, qu’un tiers d’entre elles pourraient « ne pas réussir à maintenir leur activité au second semestre 2020 ». Plongés dans l’incertitude, les galeristes français « naviguent à vue, explique Anne-Sarah Bénichou, directrice de la galerie du même nom à Paris. Tout le calendrier dépend des autres acteurs culturels, et repose sur la réouverture des musées et des foires en septembre. Par exemple, nous avions prévu une exposition de Marion Baruch en concomitance avec sa rétrospective au Kunstmuseum de Lucerne qui devait voyager en Europe. »

En revanche, contrairement aux foires où le respect de la distanciation physique va poser un problème, les galeries présentent des conditions d’accueil du public plus favorables, et « pour une fois le manque de fréquentation va nous servir ! », relève Georges-Philippe Vallois. « Nous avons les prérequis pour être en règle d’un point de vue sanitaire, estime ainsi Marion Papillon, présidente du CPGA et directrice de la Galerie Papillon. Par rapport à d’autres commerces, nous n’avons pas de billetterie ou de point de caisse. Nous préparons un parcours pour les visiteurs répondant aux normes sanitaires, avec des masques, du gel hydroalcoolique et des distances de sécurité. Nous sommes des marchands, et il est important que nous puissions rouvrir comme les commerces de la grande distribution. »

Cependant, il sera compliqué de « fonctionner comme avant », confie Jocelyn Wolff, ajoutant qu’« il va falloir se recentrer sur le commerce. Les activités non lucratives, comme le prêt d’œuvres aux musées, ne seront plus envisageables ». La crise du Covid-19 ne ressemble pas à la crise des années 1990 ou de 2008. « Il s’agit d’une “hibernation”, et cette fois-ci, l’internationalisation du marché ralentira d’abord les foires et les ventes aux enchères. Nous, galeristes, pouvons tout à fait envisager de retrouver une relation avec le collectionneur dans la galerie, ce qui nous manquait. Dans un premier temps il sera difficile de se déplacer, il faudra donc miser sur une européanisation du marché. Cela sera l’occasion de revaloriser cette scène artistique et commerciale contre ceux qui tiennent le marché », soutient Georges-Philippe Vallois, évoquant ici ces grandes places du marché de l’art que sont les États-Unis et la Chine. Certains, à l’exemple de Magda Danysz, y voient donc « quelque chose d’assez salutaire. C’est le moment pour les galeries, et surtout les plus modestes, de reprendre la place qu’elles avaient perdue ».

Solidarité entre galeries

Si le milieu est réputé pour son individualisme, les marchands sont conscients que la crise doit faire évoluer les mentalités : « Il faut fédérer et montrer l’importance de la solidarité entre galeries, explique Anne-Sarah Bénichou, membre du comité du Paris Gallery Weekend (PGW). Cette année, nous allons revoir la formule du Paris Gallery Weekend [qui devait se tenir initialement en mai et a été reporté du jeudi 2 au dimanche 5 juillet] pour le recentrer sur le parcours des galeries, et créer un événement le plus tôt possible. Même si nous avons seulement quelques personnes par heure et par jour, l’important est la qualité du public qui revient. Pour être conformes aux directives du gouvernement en matière sanitaire,nous supprimons le dîner de gala, et le PGW se tiendra simplement sous la forme d’un circuit de galerie, probablement sans les institutions partenaires. Nous avons plus de demandes de galeries qui souhaitent participer depuis la crise sanitaire. »

À Komunuma, à Romainville (Seine-Saint-Denis), où quatre galeries parisiennes, In Situ, Air de Paris, Jocelyn Wolff et Sator, se sont installées en octobre 2019, il est prévu de modifier les horaires et jours d’ouverture. « Nous allons privilégier les week-ends en ouvrant un dimanche par mois, et en proposant des contenus particuliers et exclusifs comme des performances et des conférences. Nous allons probablement ouvrir en roulement au mois d’août. La situation est critique, il faut reprendre de la visibilité », précise Antoine Laurent, directeur de la galerie In Situ-Fabienne Leclerc. « À court terme, c’est-à-dire dans les prochains mois, les galeries seront le seul lieu physique, avec certaines maisons de ventes, qui pourront soutenir les artistes vivants, estime Hervé Loevenbruck. C’est la chance que nous allons avoir car nous aurons moins de concurrents. Le concurrent sera sûrement les ventes en ligne, mais cela devrait être maîtrisable. »

Un bénéfice indirect de la crise est la présence accrue des galeries sur Internet et les réseaux sociaux. Les salles de visionnement (viewing rooms) qui ont fleuri depuis le début du confinement permettent ainsi en quelques clics de visiter virtuellement des expositions « Il a fallu réagir et s’adapter à ce contexte. Nous avons rattrapé un retard, et même embauché une nouvelle personne pour développer l’aspect communication de la galerie », explique Niklas Svennung, directeur de la Galerie Chantal Crousel.

Si l’incertitude reste grande sur le devenir économique de nombre d’entre elles, il est fort à parier que, une fois la crise sanitaire terminée, les galeries continueront à investir la Toile pour encourager le retour des collectionneurs dans leurs murs.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°545 du 8 mai 2020, avec le titre suivant : Les galeries se préparent au déconfinement

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