États-Unis - Galerie

Le tour des galeries de New York

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Kirili, Parent, Murakami, Kelly, Rauschenberg, Basquiat, Buren : des géants mis à l’honneur dans les galeries new-yorkaises en cette fin de printemps.

New York (États-Unis). La galerie parisienne RX et la galerie new-yorkaise Slag s’associent pour honorer le sculpteur français Alain Kirili (1946-2021), disparu l’an dernier et dont elles représentent conjointement la succession. L’hommage prend la forme d’un diptyque, à cheval entre Paris et New York, deux villes qui ont occupé une place centrale dans la vie de l’artiste. À Chelsea, Slag a ouvert ses deux salles et sa petite arrière-cour : on y découvre trois groupes de sculptures, la série des « Commandement » (1991) et son alphabet abstrait, Open Form (2005) qui fait dialoguer musique, poésie et sculpture, et la série des « Totems » (2005), longilignes figures, à l’origine présentées dans les jardins du Palais-Royal, à Paris. À travers ces trois ensembles, l’exposition offre des points d’entrée multiples sur les préoccupations du sculpteur.

C’est une autre grande figure française de la deuxième moitié du XXe siècle qui occupe le haut de l’affiche chez A83 Gallery (SoHo) : l’architecte Claude Parent (1923-2016) s’y dévoile dans une étonnante présentation. Quarante-quatre de ses dessins les plus radicaux mettent en avant les différentes applications que ce théoricien de la « fonction oblique » a produites tout au long de sa riche carrière, refusant un monde régi par le cube et la monotonie : de l’idée ou du plan rapidement brossé sur le papier au véritable caprice architectural, où des plaques dynamiques enserrent jusqu’à les broyer des édifices orthogonaux [voir ill.]. À l’intérieur de la petite galerie, le dispositif lui-même est tout en diagonales : les grands dessins, posés sur des lutrins obliques, coiffent des armoires à tiroirs posées sur des tréteaux de biais, à l’intérieur desquels sont glissées les œuvres de plus petit format.

Plusieurs solo shows

Plusieurs galeries new-yorkaises parmi les plus importantes ont choisi de mobiliser au moins deux de leurs espaces pour des solo shows de taille autour de quelques grands noms. C’est notamment le cas de Gagosian (Upper East Side), qui montre de nouvelles œuvres de Takashi Murakami dans ses galeries du 976 et du 980 Madison Avenue : de grandes compositions florales pour la première et une série de portraits peints d’avatars en trois dimensions pour la seconde. Première exposition de l’artiste japonais chez Gagosian New York depuis 2014, celle-ci se veut innovante. Elle fait ainsi l’objet d’une expérience de réalité virtuelle qui permet au visiteur qui posséderait l’application Snapchat sur son smartphone de s’immerger davantage dans les œuvres par le biais de filtres spécialement créés pour l’occasion ; elle met en avant certaines incursions de l’artiste dans le monde des NFT.

David Zwirner (Chelsea) consacre deux étages de son grand immeuble à Richard Serra : au rez-de-chaussée, un cylindre de fer forgé massif, le plus grand jamais réalisé par l’artiste jusqu’ici, se tient à la verticale au centre de l’immense plateau débarrassé de ses habituelles cloisons. À l’étage, sont exposés les dessins de l’artiste américain, moins connus : leurs grandes formes noires texturées et granuleuses, appliquées largement au pochoir sur un épais papier blanc parfaitement lisse, font écho, par leur mouvement et leur aspect, aux sculptures qui sortent habituellement de ses forges.

Matthew Marks (Chelsea) présente un ensemble de six peintures et sculptures monumentales d’Ellsworth Kelly (1923-2015) entre ses deux espaces de la 24e et de la 22e rue : un grand panneau rouge posé à même le sol, Red Floor Panel (1992), occupe quasiment toute la surface de ce dernier. Barbara Gladstone (Chelsea), logée dans le même bâtiment que Marks sur la 24e rue (vieil édifice que les deux galeristes vont prochainement remodeler pour s’étendre dans les espaces laissés vacants de la galerie Metro Picture, fermée en mars 2021), a aussi choisi d’utiliser les deux lieux qu’elle possède dans le quartier pour présenter des sculptures rarement vues de Robert Rauschenberg (1925-2008) : des œuvres majeures de sa « Venitian series » (1972-1973) et d’autres de son « Early Egyptian series » (1974-1973).

Le bric-à-brac de Basquiat

La période n’est décidément pas avare en grands noms. La galerie Nahmad Contemporary (Upper East Side) organise une exposition inédite d’œuvres de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) ayant pour dénominateur commun le rôle qu’ont joué les objets trouvés et autres matériaux peu conventionnels dans l’œuvre du peintre new-yorkais. C’est le cas notamment des portes, des fenêtres, des carreaux de métro ou encore d’un réfrigérateur, devenus supports créatifs, rassemblés par Dieter Buchhart, grand spécialiste de Basquiat, dans cette hétéroclite et saisissante présentation.

Bortolami (TriBeCa), pour sa part, montre onze « œuvres in situ» de Daniel Buren, originellement produites à Mexico pour la galerie Hilario Galguera : des miroirs colorés, agencés en damier, se reflétant les uns dans les autres de part et d’autre de la pièce. La sérendipité faisant parfois bien les choses, la présentation, par son ampleur, ses couleurs et ses jeux de face-à-face, entretient une certaine proximité avec l’exposition du 52 Walker (TriBeCa), de l’autre côté de la rue, comme si les deux galeries se répondaient. Là, dans ce lieu appartenant à David Zwirner et conçu comme un hybride entre la galerie et la « kunsthalle », ce sont plusieurs grands panneaux en émail de la jeune amstellodamoise Nora Turato qui dialoguent entre eux. Très colorés – on pourrait même dire « pop » – et accrochés sur fond de peintures murales du même acabit faites par l’artiste, ils affichent des mots, des phrases, des expressions qui brouillent les lignes entre graphisme publicitaire et arts visuels conventionnels. Les images, qui sont donc aussi des textes, poursuivent en même temps la très ancienne réflexion sur les différentes formes de langages qui structurent notre culture visuelle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°592 du 24 juin 2022, avec le titre suivant : Le tour des galeries de New York

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