Ventes aux enchères

Le rapport Chaubon-Lamaze veut assouplir les conditions d’exercice des maisons de ventes

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 21 décembre 2018 - 907 mots

PARIS

Les 41 recommandations du rapport commandé par la Garde des Sceaux, satisfont en grande partie les professionnels.

Nicole Belloubet, Ministre de la Justice
Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice, inaugurant le site judiciaire Anne Frank à Lons-le-Saunier, le 14 juin 2018

Le 10 juillet, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, annonçait le lancement d’une mission sur l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires, mission confiée à Henriette Chaubon, ancienne magistrate à la Cour de cassation, et à Edouard de Lamaze, avocat.

Ce rapport, attendu depuis le 15 octobre, intervient à la suite de profonds changements dans la profession depuis deux décennies déjà (la réforme de 2000 et celle de 2011) mais aussi dans un contexte de concurrence nationale et internationale accrue et de concentration grandissante du marché français - l’écart se creusant toujours entre le trio de tête (Sotheby’s, Christie’s et Artcurial) et les autres grandes maisons de vente françaises. 

La ministre a ainsi estimé que la profession devait « moderniser son activité ainsi que sa compétitivité en relevant notamment le défi du numérique », et ceci afin d’accroître sa libéralisation et permettre à ces professionnels d’être davantage compétitifs. Elle avait également indiqué qu’elle souhaitait apporter des réponses aux critiques incessantes faites à l’encontre du Conseil des ventes (CVV), autorité de régulation, notamment par le SYMEV (Syndicat national des maisons de ventes volontaires). Suite à ces déclarations, le maintien ou la suppression de cette autorité de régulation était au centre des préoccupations, tout comme le souhait, formulé par les auteurs du rapport, que Paris retrouve « un rang de choix du marché international, la première place en Europe devant Londres »

Après 5 mois de travail et l’audition de 70 personnalités, le rapport de 72 pages formule 41 propositions, « propositions qui ont pour but de structurer le marché, entre maillage du territoire et maisons de ventes de toutes les dimensions, entre concurrence ouverte et sécurité des opérations ».

Proposition très attendue du rapport : l’avenir du CVV. Parce que « les conséquences d'une dérégulation (…) comporteraient trop de risques économiques, sociaux et culturels à l'égard des consommateurs, des professionnels eux-mêmes et du marché qui doit conserver un maillage territorial suffisant », un organe de régulation doit être conservé selon les rapporteurs. Cependant, il doit être rénové. « Le Conseil des ventes tel qu’il existe aujourd’hui peut difficilement perdurer. Il doit être redéfini dans sa composition ainsi que dans ses missions ». Aussi, le rapport propose la création d’une nouvelle entité, un « Conseil des maisons de ventes », qui veillera à « la sécurité des ventes et le respect de la concurrence » et intégrera une « majorité de professionnels » (le CVV n’en comporte que 3 actuellement). Tel était le cas de cette instance créée en 2000 dans sa forme initiale, soit 5 professionnels, mais suite à l’affaire des « cols rouges » de Drouot, la ministre de l’époque, Michèle Alliot-Marie, avait souhaité diminuer leur poids, ce qui avait été pris en compte dans la réforme de 2011. Le rapport propose que la représentation des professionnels - 6 membres sur 11, ce qui pourrait induire que le président soit un commissaire-priseur - se fasse sur une base élective au scrutin uninominal pour 4 années renouvelable une fois. 

En matière disciplinaire, le rapport recommande d’instaurer « une commission des sanctions, indépendante, sans lien hiérarchique ni fonctionnel avec le président du nouveau conseil ».

« Je suis ravi de ce rapport. Il va dans le sens de ce que nous voulions. Il est normal que nous soyons représentés par des gens qui connaissent bien le marché. D’ailleurs, je pense qu’une seule instance pourrait suffire », a réagi Jean-Pierre Osenat, président du Symev, sous-entendant que le conseil et le syndicat pourrait fusionner. 

Une autre très attendue aussi proposition consiste à ouvrir davantage la profession en en simplifiant la formation. Les rapporteurs proposent de supprimer l’examen d’accès au stage, de développer la voie d’accès à la profession fondée sur la pratique professionnelle ou encore d’instaurer une obligation de formation continue. « Cela va donner envie à plein de jeunes et nous permettre de renouveler le cheptel », a commenté Jean-Pierre Osenat.

Parmi les autres propositions du rapport, Henriette Chaubon et Edouard de Lamaze préconisent d’étendre les activités des commissaires-priseurs volontaires, notamment aux inventaires successoraux ou aux biens incorporels ; mieux protéger la profession face aux ventes aux enchères non régulées ; supprimer le formalisme des ventes de gré à gré ; simplifier le dispositif d’autorisation pour l’exportation de biens culturels ; « ne pas risquer de freiner l’apport d’objets d’art extracommunautaires par une TVA à l’importation trop lourde » ; un droit de reproduction calqué sur celui des commissaires-priseurs judiciaires… 

Le rapport recommande également un allègement des contraintes administratives et financières (instauration d’un guichet unique pour les démarches administratives par exemple) et des contraintes fiscales. 

 « Cette réforme est parfaite. Les rapporteurs ont su faire la part des choses. Ils n’ont pas voulu faire de nous des commerçants comme les autres », a applaudi Jean-Pierre Osenat. Damien Leclère, issu de la jeune génération est également satisfait : « ce rapport va dans la bonne direction, c'est-à-dire donner les moyens aux commissaires priseurs français d'être compétitifs et agiles, en les libérant de préoccupations formalistes pouvant être sanctionnées aujourd'hui, sans lien avec la réalité de l'activité ».

Pour l’heure, ce rapport ne reste qu’un rapport. Il faudra qu’une proposition de loi soit faite pour que ces recommandations soient transposées dans un texte législatif. Sylvain Maillard, député LREM de la 1ère circonscription de Paris, et impliqué depuis le début dans les débats, pourrait porter la réforme devant l’Assemblée Nationale.

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