Antiquité

La sculpture Khmère, c’est le moment d’acheter !

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 21 mai 2025 - 832 mots

Malgré la qualité des œuvres, le marché de l’art khmer connaît actuellement une baisse des prix due à la question des provenances et à l’incertitude globale du marché.

En cette année de célébration du centenaire de la disparition de Louis Delaporte (1842-1925), l’explorateur et dessinateur qui a redécouvert Angkor en 1866, et à l’occasion de l’exposition organisée par le Musée Guimet sur les bronzes royaux issus du site mythique [lire page 72], qu’en est-il du marché de la sculpture khmère ? Ce mot désigne un style artistique spécifique à l’Empire khmer, une civilisation qui s’est épanoui entre IXe et XVe siècle en Asie du Sud-Est (Cambodge, Laos, Thaïlande et Vietnam du Sud).La période d’Angkor, la plus fastueuse (IXe-XIIIe siècles) est marquée par une production artistique abondante et de très grande qualité. À chaque époque, son style – Preah Ko (fin IXe), Koh Ker (928-944), Baphuon (1010-1080), Angkor Vat (1100-1175) ou Bayon (XIIe-XIIIe) –, même si les formes épurées, les postures hiératiques, les visages sereins, les vêtements finement sculptés (sampot) et les coiffures souvent sophistiquées sont caractéristiques de l’art khmer en général. Les sujets sont religieux, comprenant majoritairement des représentations de divinités hindoues (Shiva, Vishnou) ou bouddhiques (Bouddha, Bodhisattva), selon la période et principalement en pierre (grès) et bronze. Le marché de la statuaire khmère a démarré dans les années 1930. Il a connu un pic de l’entre-deux-guerres aux années 1960-1970 – avec une forte demande américaine. « De nombreuses œuvres khmères circulent librement sur le marché international, ayant quitté le Cambodge avant les accords de l’Unesco. Malheureusement, d’une part, l’affaire du trafiquant et faussaire Douglas Latchford qui alimentait les musées américains en œuvres souvent accompagnées de fausses provenances (restituées depuis au Cambodge) et, d’autre part, les trafics des Khmers rouges ont fragilisé le marché », rend compte le marchand Antoine Barrère. Les cas de restitution médiatisés, comme celui de la statue de Koh Ker en 2013 par Sotheby’s, sont rares – les pays concernés ne réclamant pas (sauf en cas de vol avéré). Pour autant, ils ont marqué le marché, sans compter que la production en masse de copies a aussi contribué à la méfiance des acheteurs. « Souvent sculptés sur place dans des matériaux identiques, parfois usés par sablage, ils peuvent être de belle qualité, mais ils manquent souvent d’esprit », note l’experte Qinghua Yin.Toutefois, la beauté intrinsèque des œuvres continue de susciter l’intérêt, « notamment grâce à leur visibilité dans des musées comme le Musée Guimet, renforcé par la popularité d’Angkor », observe le marchand Christophe Hioco.

78 720 € (frais compris)

1. Statue  - Cette sculpture provient de la Galerie Jean-Claude Moreau-Gobard, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de son époque pour la statuaire d’Asie du Sud-Est. Face à une sculpture khmère, et selon qu’elle est complète ou non, « les points à regarder sont l’iconographie, la posture, les gestes des mains, le visage, l’expression paisible et légèrement souriante, le style, la période, le matériau, le travail de la pierre, les vêtements, les bijoux… ainsi que la provenance », explique l’experte Qinghua Yin (Cabinet Philippe Delalande Expertise).

 

Vendue chez Artcurial, le 24 mai 2023

Autour de 25 000 €

2. Bouddha  - Cette sculpture au visage serein et à l’expression intériorisée, a été expertisée par Jean-Claude Moreau-Gobard en juin 1996. Elle illustre un épisode particulier de la vie du Bouddha : alors qu’il méditait sous la pluie battante pendant plusieurs jours après son éveil, un grand serpent Naga (souvent identifié comme Mucalinda) est venu le protéger, déployant ses multiples têtes au-dessus de lui. Le style post-Bayon est une transition entre la grandeur monumentale du Bayon et la sobriété plus marquée de l’art khmer ultérieur, avec des sculptures qui deviennent plus épurées.

 

Galerie Jacques Barrère, Paris.

24 225 € (frais compris)

3. Tête  - Issue de la collection Robert et Jean-Pierre Rousset (dont la dispersion de plus de 300 œuvres avait atteint plus de 14,5 M€), cette tête fait preuve de sensualité et de grâce – des caractéristiques propres au style du Baphuon, qui marque sans doute l’apogée de la représentation de la femme dans l’art khmer. C’est d’ailleurs une statue en grès d’Uma issue de ce style, de la première moitié du XIe siècle, qui détient le prix record aux enchères, soit 2,1 millions de dollars (1,5 M€), obtenu en mars 2008 chez Christie’s New York.

 

Vendue chez Bonhams Cornette de Saint-Cyr, le 25 octobre 2022

125 000 €

4. Statue -  Cette statue, provenant de la collection de Claude de Marteau, date de la période d’Angkor Vat, époque à laquelle l’Empire khmer était à son apogée territorial – elle a débuté au début du XIIesiècle avec la construction d’Angkor Vat, le plus grand temple de la période angkorienne, dédié à Vishnou. Stylistiquement, la sculpture de la période d’Angkor Vat se caractérise par un retour au modelé anguleux et droit des périodes précédant le style Baphuon du XIe siècle. Cette angularité se reflète dans les épaules et les hanches larges du haut du torse, ainsi que dans le drapé du sampot.

 

Vendue chez Christie’s, le 10 décembre 2020

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°786 du 1 juin 2025, avec le titre suivant : La sculpture Khmère, c’est le moment d’acheter !

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