Ventes aux enchères

ART TRIBAL

La bonne santé du marché de l’art tribal aux enchères

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 2022 - 756 mots

MONDE

La base de données Artkhade, en collaboration avec Art Media Agency, met en lumière la vitalité du secteur dans un rapport analysant ce marché de 2010 à 2021.

Cette statue féminine Sénoufo (debble), Côte d’Ivoire, est la pièce africaine la plus chère de l'histoire : elle a été vendue pour 9,7 M€ par Sotheby's New York en 2014. © Sotheby's Art Digital Studio. & Masque blanc des îles Mortlock (îles Carolines) adjugé 9,2 millions d’euros en juin 2021, un record pour l'art d'Océanie. © Christie's Images Ltd 2022
Statue féminine Sénoufo, Côte d’Ivoire, vendue pour 9,7 M€ par Sotheby's New York en 2014. (record pour l'art Africain)© Sotheby's Art Digital Studio.
Masque blanc des îles Mortlock adjugé 9,2 M€ d’euros en juin 2021 (record pour l'art d'Océanie).
© Christie's Images Ltd 2022

Monde. Fondée en 2009 par Aurélien Cuenot, Artkhade est la première base de données de prix pour le marché des arts anciens d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. Elle répertorie aujourd’hui 145 000 objets, 175 000 transactions et plus de 300 maisons de ventes aux enchères. La plateforme publie également des rapports analytiques annuels ou par périodes, en collaboration avec Art Media Agency (AMA) – une agence de contenu éditorial spécialisée dans le marché de l’art, créée par Pierre Naquin. Les deux entités, qui s’étaient déjà associées en 2015 pour produire un rapport sur l’évolution de ce marché depuis l’an 2000, réitèrent l’expérience, mais cette fois-ci en se penchant sur la période 2010-2021.

Un chiffre d’affaires de 108 M€ en 2021

Le principal enseignement de ce rapport est l’envolée du marché de l’art tribal aux enchères qui est passé de 48 millions d’euros en 2010 à 108 millions d’euros en 2021. En cumulé, le chiffre d’affaires du secteur atteint 802 millions d’euros dans le monde en douze ans. L’étude explique cette augmentation par la multiplication du nombre de ventes dans la spécialité – et du nombre de lots (9 030 en 2021 contre 5 083 en 2010, avec un pic de 11 993 en 2018) – et par la diminution du taux d’invendus, passé de 40 % en 2010 à 28 % en 2021. Elle observe aussi plusieurs phénomènes, partagés par les autres secteurs du marché de l’art, comme la prédominance des ventes de collections – Murray Frum (7,5 M€), Myron Kunin (33,5 M€), Michel Périnet (66 M€)… – qui ont supplanté les ventes « divers amateurs » et, en contrepartie, un fléchissement du middle market, signe d’une mutation des goûts et habitudes d’achats des collectionneurs actuels. Ceux-ci, contrairement aux générations précédentes qui misaient sur l’accumulation d’objets issus parfois d’une même ethnie, privilégient aujourd’hui la qualité à la quantité. Les ventes sur Internet ont bien sûr progressé mais ne représentent que 3,3 millions d’euros, soit 3 % du marché de l’art tribal – seulement 434 lots ayant été vendus de cette manière, pour un prix moyen de 1 960 euros contre 22 425 euros pour les ventes physiques.

À l’échelle mondiale, l’étude montre que le marché est largement dominé par la France (63,3 % du marché, ayant récolté près de 90 millions d’euros en 2021, sa meilleure année, en partie grâce à la collection Périnet), suivie par les États-Unis (29,2 %). Un panorama des opérateurs dans le monde est également établi. Sans surprise, Sotheby’s (en tête avec 375 M€ accumulés entre 2010 et 2021) et Christie’s (242 M€) se taillent la part du lion. Le duopole est suivi de Binoche & Giquello (38 M€), Bonhams (27 M€), Tribal Art Auktion (8,7 M€), Native (7 M€) et Dorotheum (4,6 M€).

L’art africain en tête

Le rapport souligne que l’art africain conserve sa place de leader, avec un chiffre d’affaires cumulé de 483 millions d’euros entre 2010 et 2021, soit 60 % du chiffre global. 42 649 lots ont été mis en vente sur cette période, pour un prix moyen de 20 827 euros, mais avec un taux d’invendus de près de 45 %. La statue féminine Sénoufo (debble), Côte d’Ivoire (9,7 M€, chez Sotheby’s New York en 2014, voir ill.), issue de la collection Myron Kunin, reste la pièce africaine la plus chèrement adjugée – elle est aussi le record absolu pour une œuvre d’art tribal.

L’art océanien, plus rare sur le marché, arrive en seconde position, avec 172 millions d’euros récoltés en douze ans. Il gagne du terrain car son chiffre d’affaires a plus que triplé sur la période concernée, passant de 10,7 millions d’euros en 2010 à 36 millions d’euros en 2021. Le masque blanc des îles Mortlock (îles Carolines), adjugé 9,2 millions d’euros en juin 2021 (collection Périnet, voir ill.), est le record dans ce secteur. Viennent ensuite l’art précolombien, les arts des Amériques et les arts d’Asie du Sud-Est, qui totalisent 147 millions d’euros au cours des douze années passées.

Ce rapport de 87 pages, riche en chiffres et graphiques, nourri par des interviews de spécialistes et des tops 50 de prix dans les différentes catégories, permet d’avoir une bonne vue d’ensemble sur la décennie qui vient de s’écouler. Il est téléchargeable sur artkhade.com au prix de 30 €, en français et en anglais. Il aurait cependant été intéressant d’avoir aussi une idée des ventes en galeries pour mieux apprécier la taille du marché.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°592 du 24 juin 2022, avec le titre suivant : La bonne santé du marché de l’art tribal aux enchères

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