Bilan - Ventes aux enchères

MARCHÉ DE L’ART TRIBAL

Rapport Artkhade 2023 : les ventes publiques d’art tribal ont chuté de 37,5 %

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2024 - 679 mots

Selon ce rapport annuel, ce marché s’est effondré en 2023. En cause, un manque crucial de grandes collections.

Paris. Chaque année, la base de données internationale Artkhade, en collaboration avec Art Media Agency, livre son analyse du marché des ventes aux enchères d’arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. Publié fin février, le rapport fait état d’un effondrement brutal du marché pour l’année qui vient de s’écouler. En effet, le chiffre d’affaires mondial est tombé à 37,5 millions d’euros en 2023, contre 60 millions d’euros en 2022, soit une baisse de 37,5 %. La chute est encore plus importante par comparaison avec les résultats certes exceptionnels de 2021, qui s’élevaient à 107,6 millions d’euros grâce à la vente de la collection Michel Périnet (66 M€).

En revanche, le nombre de lots passés sous le feu des enchères a augmenté de 6 % entre 2022 et 2023, ce sont surtout les enchères millionnaires qui ont fait défaut. Trois seulement, contre sept en 2022, ont été recensées l’an dernier, tandis que les lots en dessous de 10 000 euros se sont taillé la part du lion (86 % du marché). Aussi le prix moyen en a-t-il été affecté, passant de 13 750 euros en 2022 à 7 975 euros en 2023. « Le défi pour tout le monde aujourd’hui, c’est de trouver des pièces de qualité », a indiqué Frederic Backlar, directeur du département des arts africains, océaniens et précolombiens chez Bonhams.

Plusieurs facteurs

Après avoir questionné un certain nombre d’acteurs du marché, les auteurs du rapport ont tenté de trouver des explications à cette tendance. Celle-ci serait due à plusieurs facteurs : le secteur est devenu très concurrentiel ; les achats ne sont plus aussi impulsifs qu’avant ; la multiplication des ventes sur Internet – un canal par lequel entrent beaucoup d’objets de faible qualité – fausse un peu le marché. L’inquiétude de certains collectionneurs quant aux questions de « rapatriement des œuvres dans leur pays d’origine » ou encore la question de l’ivoire dont le commerce est complexe, sont des raisons également avancées. À cela s’ajoute la conjoncture actuelle, qui, entre inflation persistante et contexte géopolitique tendu, s’est aggravée, au dernier trimestre avec la guerre Israël-Hamas, ce qui a rendu les collectionneurs beaucoup plus attentistes.

La France conserve cependant sa position de première place de marché (62 %), avec un chiffre d’affaires de 23,5 millions d’euros, tandis que l’écart entre Christie’s (11,8 M€ de chiffre d’affaires) et Sotheby’s (10,1 M€) se réduit. Autres maisons de ventes à se partager le marché : Bonhams, qui occupe la 3e place du classement, suivie de Lempertz, Giquello & associés, Native, Millon ou encore Ader. Relativement au chiffre d’affaires par région, l’Afrique domine toujours (20 M€), suivie de l’Océanie (7,3 M€), l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et enfin l’Asie.

Peu de collections ont été dispersées en 2023. Celle de Jean-Louis Danis a totalisé près de 5 millions d’euros chez Christie’s Paris. La vente du premier volet de la collection Hélène Leloup (la 2e partie de ce fonds sera dispersée à New York dans le courant de l’année), si l’on exclut le tableau de Francis Bacon, a atteint 1,9 million d’euros – loin du total escompté (12 à 17 M€) ; tandis que la collection de Seymour et Alyce Lazar et celle de John Hewett ont rapporté 2,3 millions d’euros à Lempertz.

Les trois enchères millionnaires ont toutes été adjugées à Paris, chez Christie’s et en art africain. En tête, un masque Baoulé de Côte d’Ivoire, [voir ill.] vendu 2,03 millions d’euros. Il appartenait à un corpus extrêmement restreint de quatre masques réalisés par un maître sculpteur Baulé du village d’Essankro et provenait de l’ancienne collection Frederick. R. Pleasants, membre des Monuments Men, anthropologue et conservateur de plusieurs musées américains.

Si 2023 a été une année décevante au niveau des chiffres, c’est une autre partition qui va se jouer en 2024, car rien qu’à elle seule, la vente le 6 mars dernier de la collection Barbier-Mueller (73 M€, [lire p. 37]) a déjà atteint près du double du chiffre global de l’an passé. Il suffit d’une collection pour inverser la tendance…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Rapport Artkhade 2023 : les ventes publiques d’art tribal ont chuté de 37,5 %

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