Belgique - Galerie

« Cloaca », retour sur une installation déroutante

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 12 février 2025 - 488 mots

Vingt-cinq ans après sa création, Wim Delvoye revient sur sa machine digestive avec une exposition de dessins et de produits dérivés.

Bruxelles. « Devant le Cloaca, on ressent du plaisir, se réjouit Wim Delvoye. On se rend compte à quel point le corps humain est sophistiqué. Alors que la machine a besoin de 12 mètres pour faire aboutir sa digestion, tout le monde, qu’il soit riche ou qu’il soit pauvre, peut produire le même résultat avec ses intestins. » Présentée pour la première fois au Musée d’Art Contemporain à Anvers (M HKA) en 2000, l’installation imaginée par l’artiste belge et élaborée avec la collaboration d’une équipe de scientifiques a fait sensation. Avec ce gigantesque et fascinant assemblage inspiré par le corps humain, nourri de bactéries et de denrées alimentaires, Delvoye joue la provocation en s’inscrivant dans la longue tradition des artistes fascinés par les machines. Vanité et métaphore de la condition humaine, le Cloaca a été présenté, dans ses différentes versions, dans une vingtaine d’institutions muséales de par le monde. Seul le Museum of Old and New Art (Mona) en Tasmanie, l’expose de manière permanente.

Pour célébrer les vingt-cinq ans de sa première apparition publique, la galerie Rodolphe Janssen, à Bruxelles, propose une exposition autour de cette installation embarrassante. Hormis le Cloaca Travel Kit qui tient dans une valise à roulettes, la machine se fait discrète pour laisser la place aux dessins. Ils sont une quarantaine. Peu ou jamais montrés, ils ont accompagné ou succédé à la conception des machines. L’artiste s’y amuse à jouer de différents registres. Dessins techniques, perspectives isométriques, recherche de logos calqués sur ceux de marques célèbres, Delvoye brouille les pistes avec humour et précision et se laisse aller au plaisir du dessin qu’il pratique assidûment depuis l’âge de 5 ans. « C’est le seul moment où je travaille seul et où je peux décider de tout. »

Les dessins sont vendus entre 12 000 et 40 000 euros. « C’est une des expositions sur laquelle j’ai eu le plus de demandes », confirme le galeriste.

L’exposition ne serait pas complète sans le produit de la machine. Emballées sous vide, les crottes du Cloaca étaient vendues 3 000 euros en 2000. Il faudra en débourser 14 000 aujourd’hui pour se procurer l’un des exemplaires restants.

Artiste et entrepreneur, Delvoye a imaginé une société d’investissement, la Cloaca Investments Limited pour laquelle il a créé des bons de caisse, plus vrais que nature. Fasciné par la culture populaire et par la société de consommation, il s’est plu à concevoir des produits dérivés comme cette poupée à son effigie ou un carton d’invitation qui prend la forme d’une feuille d’autocollants avec ses parodies de logos. S’il aime jouer avec les codes, il veut aussi garder le contrôle de sa création. « Une entreprise américaine m’a demandé de leur vendre une machine pour tester des langes. J’ai refusé, je ne voulais pas d’exploitation commerciale du Cloaca, j’avais peur de trop de réussite, je voulais rester inutile. »

Wim Delvoye, Cloaca, Celebration 2000-2025,
jusqu’au 8 mars, galerie Rodolphe Janssen, 35, rue de Livourne, Bruxelles.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°648 du 31 janvier 2025, avec le titre suivant : « Cloaca », retour sur une installation déroutante

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque