Bruxelles (Belgique)

Les oxymores de Wim Delvoye

Musées royaux des beaux-arts - Jusqu’au 21 juillet 2019

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 21 mai 2019 - 399 mots

À cette figure imposée du dialogue entre création contemporaine et collections permanentes, Wim Delvoye s’est déjà plié plusieurs fois, au Louvre notamment.

Il faut dire que son œuvre se prête particulièrement bien à cet exercice : post-moderne indécrottable, l’artiste flamand a fait de ses jeux oxymoriques entre art et cultures populaires, industrie et artisanat, prosaïque et sacré, nouvelles technologies et tradition, la matrice de son travail, presque sa marque déposée. Invité par Pierre-Yves Desaive à investir le Musée royal des beaux-arts de Bruxelles, il y répond d’une exposition double : au sous-sol, une rétrospective à la scénographie minimale ; dans les salles du musée, une série d’œuvres récentes ou inédites, dont certaines ont été conçues en coproduction avec l’institution belge. Entre les deux, une circulation, un jeu d’échos et de variations thématiques et formelles qui soulignent la cohérence de sa démarche. L’exposition présente d’abord un ensemble d’œuvres faisant dialoguer Orient et Occident. Ses fréquents séjours en Iran ont en effet inspiré à Wim Delvoye une série de variations autour de ses obsessions et fétiches. Aux vitraux, crucifix et pièces d’orfèvrerie gothique, qui ont longtemps constitué son réservoir de formes, succède maintenant l’artisanat islamique. Disposés dans la salle des Rubens, les cochons de l’Art Farm y troquent ainsi leurs tatouages contre une peau recouverte de soie, dans la pure tradition des tapis persans. Au rez-de-chaussée, la carrosserie d’une Maserati, ciselée par des orfèvres iraniens, offre un rappel des pneus gravés de motifs chinois présentés au sous-sol… Ce « métissage » ne marque pas vraiment un tournant dans la carrière de l’artiste. Moins en tous cas que les bronzes exposés dans les salles du premier étage, au milieu des collections permanentes. Aux musées royaux, Wim Delvoye s’est en effet arrêté sur deux sculptures : La Danse (la Loïe Fuller), de Raoul Larche (vers 1900), et Le Dénicheur d’aigles, de Jef Lambeaux (1890-1892). À grand renfort de numérisations 3D, l’artiste en a exagéré le mouvement, jusqu’à créer un ensemble de statues tourbillons. Fondues en bronze dans la pure tradition de la cire perdue, elles rappellent formellement les Helix présentées dans la section rétrospective, mais s’en écartent par leur caractère profane. De l’exposition, on retiendra aussi les toutes dernières œuvres de l’artiste – soit un ensemble de bas-reliefs en marbre conçus à partir de captures d’écrans de Counter-Strike et Fortnite. Du pur Wim Delvoye, mais avec ce soupçon d’inédit qui réveille un peu le visiteur.

« Wim Delvoye »,
Musées royaux des beaux-arts, 3, rue de la Régence, Bruxelles (Belgique), www.fine-arts-museum.be

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Les oxymores de Wim Delvoye

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