Cheska Vallois : « L’Art déco a accompagné la naissance de la modernité »

Je voulais rendre hommage au centenaire de l’Art déco de cette manière, après plus de cinquante ans de passion pour cette période. Pour le moment, je n’ai encore rien vu depuis le début de l’année dans les expositions qui me fasse une bonne impression sur cet hommage. J’attends celle du Musée des arts décoratifs. Je présenterai dans l’exposition à FAB Paris, qui aura lieu dans un décor rappelant les vitrines de Paris, des pièces exceptionnelles, de Jacques-Émile Ruhlmann ou d’Eileen Gray, que nous avons trouvées et que nous avons vendues.

L’époque n’a duré que trente-cinq ans. J’ai passé cinquante ans à chercher ce qu’il y a de plus beau, et je n’ai pas été la seule. Aujourd’hui, nous sommes tous confrontés à un problème difficile à vivre : il y a une énorme pauvreté de l’offre. Beaucoup de collectionneurs importants m’appellent sans arrêt pour savoir si j’ai trouvé de nouvelles pièces importantes, mais c’est miraculeux quand nous y arrivons. On peut encore trouver des objets d’Art déco plus populaires. Mais ce qui m’a intéressé depuis le début, c’étaient les pièces remarquables des plus grands créateurs, celles qui donnent la noblesse au mouvement. Ce sont des pièces qui ont presque toujours été réalisées pour des clients appartenant à l’aristocratie. Entre les années 1915 et 1930, fabriquer de tels meubles était extrêmement coûteux. Ils ont souvent été entreposés dans de grandes maisons, d’où le fait que la plupart sont restés dans des états de conservation remarquables – du moins ceux qui ont échappé aux ravages de la guerre.

C’est un meuble du Bauhaus qui brusquement m’a donné la curiosité d’aller découvrir l’Art déco. Nous étions dans le Midi avec mon mari, nous sommes montés à Paris et j’ai passé beaucoup de temps à la bibliothèque Forney (4e arr.), dans les musées, aux Puces. J’ai cherché à tout apprendre. Je me suis rendu compte d’abord que l’époque me passionnait. Je voyais parfois des pièces dans des magazines, mais, dans les années 1970, il n’y avait pas encore de livre sur l’Art déco. Plus personne ne s’intéressait alors à cette période. Nous n’étions que quatre ou cinq marchands à essayer de la ressusciter pour ce qu’elle était. Bien entendu, on retrouve très clairement des influences de l’Art déco dans toutes les périodes qui ont suivi ce mouvement. Et c’est normal, car l’Art déco a accompagné la naissance de la modernité. Tous ces meubles faits il y a cent ans ont été faits pour nous. Ils sont faits pour vivre, pas pour être sous vitrine.