Art contemporain

Crise d’identité à l’ARCO

La foire madrilène doit repenser son identité dans un contexte de crise économique

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 février 2010 - 725 mots

MADRID - Il s’en est fallu d’un cheveu pour que l’ARCO, prévue du 19 au 21 février, soit annulée, à la suite d’un bras de fer entre le comité de sélection et les patrons d’Ifema, la société organisatrice de la foire madrilène d’art contemporain. Motif de la discorde ?

Ifema avait foulé aux pieds les décisions du comité en intégrant à la sauvette quatre galeries que celui-ci avait refusées. Soixante-dix exposants ont du coup menacé d’annuler leur participation. Même si les deux parties ont enterré la hache de guerre, le problème reste entier.

Un problème que le quotidien El Pais a résumé en décembre 2009 sous ce titre lapidaire : « ARCO, se réinventer ou mourir. » Car plusieurs enseignes ibériques, et non des moindres, ont déserté l’événement. Tandis que Salvador Díaz (Madrid) a tiré sa révérence, les puissantes Helga de Alvear (Madrid) et Pepe Cobo (Madrid, Séville) se contentent d’une participation minimale dans le secteur des « Solo Projects ». Une chose autrefois impensable tant le pays tout entier soutenait cette manifestation !

« Je crois que l’ARCO n’a pas été capable de s’adapter au contexte européen des foires internationales, et n’a pas su concurrencer de manière appropriée des salons analogues à Paris ou à Londres », confie Pepe Cobo. Et d’ajouter : « L’ARCO n’a pas établi suffisamment de liens pour attirer les collectionneurs internationaux. Par ailleurs, cela a été très positif pour la FIAC [Foire internationale d’art contemporain] de réduire le nombre de ses galeries. C’est aussi génial de faire une foire dans un lieu attractif et non dans un centre de conventions loin de tout. De son côté, [la foire londonienne] Frieze n’a environ que 150 galeries, avec une identité portée sur les jeunes, et elle se tient dans un parc bien situé. Au regard en outre du nombre de galeries acceptées à l’ARCO – 227 –, je suis forcé de douter de son succès. »

Bref, le salon madrilène manque cruellement de stratégie. Il s’éparpille dans une sectorisation outrancière, invitant une année la Corée, une autre année l’Inde, et cette fois une ville, Los Angeles. L’ARCO aurait pourtant tout intérêt à conforter l’axe latino-américain, un angle naturel dont s’est intelligemment emparée la foire Art Basel Miami Beach. « Los Angeles a aussi un lien avec le monde hispanique, se défend Lourdes Fernández, directrice du salon. Pour inviter un pays ou une ville, il faut y trouver une bonne structure de galeries. Il y a effectivement une effervescence artistique en Argentine, au Chili et en Colombie, mais pas forcément un réseau de galeries. Nous sommes une foire, et non une biennale. »

Un noyau de fidèles
Outre cette crise de confiance, l’ARCO doit composer avec une crise économique foudroyante. Entrée plus brutalement dans la récession que ses voisins européens, l’Espagne, qui avait bâti sa croissance sur la construction, affiche un taux de chômage frôlant les 20 % et une baisse de 40 % de ses ventes d’immobilier. Les budgets de certains musées et collections d’entreprise sont en berne. Pourtant, la foire garde un noyau de fidèles, à l’instar de la Galerie 1900-2000 (Paris). « On a toujours vendu, que ce soit au patron de Zara, à la sœur du roi, à des joueurs de football du Real Madrid. Le Musée national Reina-Sofía nous a aussi acheté tous les ans, sans exception », indique Marcel Fleiss, directeur de la galerie. Sa présentation incluera deux artistes de Los Angeles, Tony Berlant et Bill Copley.

Pilier parmi les piliers, Lelong (Paris, New York, Zurich) reste également présent. « Mais, le marché a changé, admet Jean Frémon, codirecteur de la galerie. Depuis l’an dernier, les artistes plus classiques, comme Chillida ou Miró ont souffert. Mais pour nous, l’ARCO reste une foire meilleure que la FIAC en termes de chiffre d’affaires. » Ayant rencontré chaque année à Madrid de nombreux clients alors qu’il ne venait qu’en simple visiteur, Bernard Bouche (Paris) saute le pas en montrant Raoul Ubac. La participation d’Orel Art (Paris, Londres) est quant à elle motivée par la sélection de l’un de ses artistes, Evgeny Yufit, pour le secteur des « Solo Projects ». La galerie a pris un autre stand dans le programme général.

ARCO

Directrice : Lourdes Fernández
Nombre d’exposants : 227
Tarif du stand : 250 euros

19-21 février, halls 6, 8 et 10, Feria de Madrid, Parque Ferial Juan-Carlos, Madrid, www.arco.ifema.es, tous les jours 12h-20h.

Légende photo

Thomas Hirschhorn - Concept car - présenté lors de l'ARCO 08 - Photographe libbyrosof - Licence Creative Commons 2.0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°318 du 5 février 2010, avec le titre suivant : Crise d’identité à l’ARCO

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