Classement communautés d’agglomérations et urbaines

Les expositions dopent Le Havre et Caen

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2017 - 1187 mots

La tête du classement distingue deux musées ayant reçu le festival Normandie impressionniste. Plus généralement, le choix de la programmation des expositions temporaires marque une différence dans le classement.

Le palmarès des musées situés dans les communautés d’agglomération et les communautés urbaines vient consacrer deux musées (municipaux) normands. Ce n’est pas tout à fait un hasard. En 2016, le Musée d’art moderne André Malraux (MuMa) du Havre, qui culmine en tête, et le Musée des beaux-arts de Caen, 2e du classement, ont bénéficié du traditionnel coup d’accélérateur amené par le festival « Normandie impressionniste », qui se tient tous les trois ans d’avril à septembre depuis 2010 dans différents musées normands. « Ce festival [porté en 2016 par la nouvelle Région Normandie] permet de faire des expositions plus ambitieuses, de profiter d’une communication plus large et de bénéficier de davantage de mécénat », explique Annette Haudiquet, directrice du MuMa. Ambitieuse, l’exposition consacrée à Eugène Boudin qu’a proposé le MuMa l’a été en effet. 200 œuvres – dont une partie du fonds d’atelier de l’artiste abrité par le MuMa riche de considérables collections impressionnistes – et une volonté de présenter toutes les facettes de l’artiste, enfant du pays, qui n’avait pas fait l’objet d’une rétrospective depuis le début du XXe siècle. Avec une fréquentation générale en augmentation de 40 % par rapport à une année 2015 marquée par le succès mitigé de l’exposition consacrée au plus confidentiel Lyonel Feininger, l’établissement redresse la barre. « Mais Boudin a attiré moins de monde que Pissarro lors de la précédente édition du festival en 2013 », reconnaît Annette Haudiquet. Une baisse qui, selon elle, est à mettre sur le compte des mouvements sociaux autour de la loi de travail, qui ont bloqué le port havrais et perturbé les réseaux de transport au printemps 2016. Même son de cloche pour le Musée des beaux-arts de Caen, qui fait découvrir pour la première fois au public, dans le cadre du festival, un artiste à la touche impressionniste, mais sortant des sentiers balisés du mouvement, le Norvégien Frits Thaulow. Si l’exposition a drainé moins de visiteurs que qu’en 2013, « le catalogue a été épuisé ce qui montre un engouement pour un peintre peu connu », note Emmanuelle Delapierre, directrice du lieu. En 2016, le musée a presque doublé sa fréquentation et ses recettes commerciales ont explosé ( 176,3 %) eu égard à des expositions très diverses plus nombreuses qu’en 2015 (8 contre 5), dont une, entamée fin 2015, autour d’une œuvre venue de Milan du très attractif Caravage.

Caen prépare son PSC
Améliorer sa fréquentation ne fait pas tout. On peut reconnaître aux deux musées normands leur riche programmation de conférences (53 pour le MuMa du Havre, 31 pour le Musée des beaux-arts de Caen). Le Havre se distingue pour avoir été un prêteur de premier choix (79 œuvres), notamment à l’étranger où il a envoyé 22 œuvres. Parmi elles, de nombreuses feuilles de Degas, acquises par l’institution en 2004, ont voyagé entre Melbourne et Houston pour une exposition – dont l’ex-directeur du Louvre Henri Loyrette fut le commissaire – consacrée au peintre des danseuses. Le Musée de Caen a bénéficié, quant à lui, d’une augmentation importante de ses crédits de restauration. « Nous avons beaucoup restauré et sorti des œuvres des réserves dans le cadre d’une refonte du parcours des collections permanentes inaugurée en janvier 2017 », explique Emmanuelle Delapierre, qui prépare cette année le Projet scientifique et culturel (PSC) réglementaire qui fait encore défaut au musée.

En troisième et quatrième positions, ce sont deux musées très éloignés de l’étiquette beaux-arts qui sont au coude à coude. Le musée international de la parfumerie de Grasse et les jardins riches en essences qui en prolongent le parcours de visite continuent d’attirer les mécènes ( 58 %) et les visiteurs ( 7,6 %) en dépit d’un été frappé par les attentats de Nice qui a grevé le musée d’une partie du public qu’il espérait bien capter en masse avec l’exposition « De la belle époque aux années folles, la parfumerie au tournant du XXe siècle », labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture. Ce musée industriel et de société, qui dépend de la communauté d’agglomérations du pays de Grasse, profite pleinement de la manne touristique que lui apporte son implantation dans la « capitale mondiale des parfums » (49 % de visiteurs étrangers).

Le Centre national du costume de scène (CNCS) de Moulins, quatrième dans sa catégorie, est quant à lui bien loin des chemins touristiques internationaux (4 % de ses visiteurs seulement sont étrangers), mais a vu sa fréquentation augmenter de 20 % en 2016, s’appuyant notamment sur un public de fidèles qu’on entraperçoit sur sa dynamique page Facebook, où il comptabilise plus de 16 000 fans attentifs à la vie de l’institution. Cet établissement public de coopération culturelle, porté par l’État et les collectivités territoriales, a célébré en 2016 ses dix ans d’ouverture au public en proposant plusieurs événements : bal costumé du 14 juillet (quelque peu terni par le mauvais temps), son et lumière sur les murs du musée pour retracer l’histoire du lieu… Aussi exigeante que grand public, l’exposition de fin d’année consacrée aux costumes des chanteurs pop ou de variétés a rencontré un succès inhabituel pour une exposition d’hiver, période plus creuse pour l’institution.

Rodez, Giverny...
La suite du classement le confirme : l’attractivité d’un établissement a souvent beaucoup à voir avec sa programmation d’expositions temporaires qui incitent le visiteur à passer, et surtout repasser, la porte du musée. Sans grande surprise, les grands noms font recettes. Le Musée Soulages de Rodez (6e) a connu un succès au moins équivalent à celui suscité par son ouverture en 2014, en exposant Picasso en été. Un succès qui se traduit par une fréquentation en hausse ( 18 %) et des recettes commerciales particulièrement élevées (les catalogues ont fait l’objet de rapides retirages). Au Musée des impressionnismes de Giverny (7e) « Caillebotte peintre et jardinier » a attiré largement le public. « On craignait que le public ne se lasse de Caillebotte, qui a fait l’objet d’expositions récentes mais, il n’en est rien », explique Frédéric Frank, directeur du lieu, qui se félicite également de l’acquisition d’une toile de l’artiste, Parterre de marguerites (pour 360 000 euros) à l’issue de cette exposition, où elle était présentée. Le Musée d’art Roger-Quilliot de Clermont Ferrand, souvent largement distancé dans le palmarès (il ne possède ni librairie, ni auditorium, ni site internet dédié et est invisible sur les réseaux sociaux…) remonte à la 14e place pour avoir vécu une année 2016 « exceptionnelle », selon sa directrice Nathalie Roux. Il atteint son reccord de fréquentation ( 292 %) depuis la création du musée en 1992 avec la présentation d’ « Autoportraits du Musée d’Orsay », qui a notamment reconnecté les scolaires ( 118,95 %) avec le lieu. Ce musée municipal peut en outre se réjouir d’avoir intégré à sa collection une œuvre de Girodet Portrait du baron Prosper de Barante, préemptée pour 64 000 euros grâce à l’aide du fonds du patrimoine.

Légendes photos

Le Musée d'art moderne André Malraux (MuMa) du Havre (Seine-Maritime) © Photo Under - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0

Le Musée des beaux-arts de Caen (Calvados) © Photo Karldupart - 2008 - Licence CC BY-SA 1.0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°480 du 26 mai 2017, avec le titre suivant : Les expositions dopent Le Havre et Caen

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