Radio & télévision

« À vos pinceaux ! », histoire d’un échec

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 28 février 2017 - 684 mots

Mardi 7 février, France 4 diffusait la finale de l’émission initialement lancée sur France 2. Une déprogrammation qui signe de nombreuses faiblesses.

Bruno Vannacci, Marianne James et Fabrice Bousteau dans l'émission « A vos pinceaux ». © France 2.
Bruno Vannacci, Marianne James et Fabrice Bousteau dans l'émission « A vos pinceaux ».
© France 2

Premier concours d’artistes amateurs à l’écran, « À vos pinceaux ! » est comparé à « Top Chef. » À tort, car le programme phare de M6 met en compétition des professionnels de la gastronomie et l’émission s’apparente davantage à « MasterChef », l’ancien divertissement culinaire de TF1 qui dérive lui aussi de la BBC. Si l’émission des aspirants chefs a résisté cinq ans avant de rendre son tablier, celle sur les peintres du dimanche n’a vécu que deux semaines sur France 2.

L’échec de l’émission se lit d’abord dans les chiffres d’audience. Lancé durant les fêtes de fin d’année, « À vos pinceaux ! » n’a attiré qu’un million et demi de téléspectateurs, soit 6,5 % de part d’audience. C’est plus que « Stupéfiant ! » qui séduit environ 600 000 personnes en deuxième partie de soirée, sur la même chaîne, mais c’est moitié moins que la version anglaise. Diffusé le dimanche après-midi, durant l’hiver 2015, « The Big Painting Challenge » a conquis quatre millions de Britanniques. France 2, qui ne pouvait en dire autant, a alors déprogrammé l’émission et l’a transférée sur France 4.

L’animatrice Marianne James assume en partie cet échec. Il y aurait eu, selon elle, une confusion entre les bandes annonce d’ « À vos pinceaux » et de « Prodiges », qu’elle présentait à deux jours d’intervalle. La première du radio-crochet artistique était prévue le mardi 20 décembre, à 21 h alors que la finale du concours de musique classique a été diffusée le jeudi 22 décembre, à la même heure. De quoi s’emmêler les pinceaux, en effet. Il est aussi possible que le public se soit lassé d’elle. Son exubérance, ses plaisanteries graveleuses en irritent certains, que l’on imagine sceptiques quant à sa place dans une émission d’art. Marianne James n’a pas l’élégance d’une Una Stubbs ou d’un Richard Bacon, ses homologues anglais.

Une pâle copie de la version originale
L’animatrice n’est pourtant pas seule responsable. À ses côtés, Bruno Vannacci et Fabrice Bousteau n’ont pas réussi à s’imposer comme experts. La constitution même de ce jury bicéphale questionne. Dans « MasterChef », il revenait à trois chefs étoilés, et non deux, de départager les candidats. Dès le premier épisode d’« À vos pinceaux », Vannacci se révèle être un bien meilleur professeur que peintre. Un comble. Le portrait qu’il réalise dans sa démonstration réservée aux téléspectateurs manque de réalisme. À l’inverse, artistes réputés en Angleterre, Lachlan Goudie et Daphne Todd offrent, dans « The Big Painting Challenge », des performances à la hauteur de leurs commentaires, aussi techniques que sensibles. Rien à voir avec les saillies de Fabrice Bousteau du type « Tu dois apprendre à être plus punk », que lance le critique d’art, avant de reprocher à une candidate de ne pas avoir suffisamment progressé entre la première et la troisième épreuve. Ce dernier commentaire souligne l’un des points faibles de l’émission. Livrés à eux-mêmes, les candidats de l’émission n’avaient que peu de chances de s’améliorer, contrairement aux recrues de « MasterChef », coachées par des stars de la gastronomie française. Toutefois, rien ne prouve qu’en offrant pareil accompagnement, l’émission de France 2 aurait eu un sort différent.

« Il s’agit de trouver le Picasso du XXIe siècle.» Encore une formule de Fabrice Bousteau. Une bataille perdue d’avance, étant donné le niveau des autodidactes sélectionnés. C’est que le fossé qui sépare un barbouilleur d’un artiste contemporain coté se comble moins rapidement que l’écart opposant une bonne cuisinière au meilleur pâtissier du monde. Par ailleurs, si chacun est en capacité d’apprécier un plat, il en est autrement d’une œuvre d’art contemporain qui requiert un long apprentissage de l’œil. Inadaptée à la peinture, « À vos pinceaux ! » était bien voué à la déconfiture. Ce qui est le plus grave dans cet échec, ce n’est pas tant l’abandon de l’émission, que son regard réducteur sur l’art contemporain. La finale a rassemblé 571 000 téléspectateurs, trois fois moins que la première émission diffusée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : « À vos pinceaux ! », histoire d’un échec

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