Allemagne

Le maire de Berlin forcé à la démission

Confronté à la débâcle du grand aéroport de Berlin, le maire-gouverneur quittera ses fonctions début décembre. Également en charge de la culture depuis 2006, il présente un bilan mitigé dans ce domaine

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2014 - 1077 mots

À l’heure où Berlin célèbre les 25 ans de la chute du Mur, le maire de la ville, Klaus Wowereit, s’apprête à quitter ses fonctions. Entaché par une affaire de fraude fiscale, son mandat est écourté à la suite du fiasco du grand aéroport de Berlin, dont l’ouverture est sans cesse repoussée. Si le blason de la ville est redoré, Wowereit laisse un bilan culturel mitigé.

BERLIN - Les appels à la démission de Klaus Wowereit, maire de Berlin depuis 2001, avaient fleuri dès février 2014, en raison de la démission pour fraude fiscale de son secrétaire d’État à la Culture, André Schmitz. Klaus Wowereit avait été informé par le secrétaire d’État lui-même de cette fraude dès 2012, et avait couvert son collaborateur pendant toute cette période. Mais c’est le fiasco du chantier du grand aéroport de Berlin (lire le JdA no 420, 3 oct. 2014) qui a finalement amené le maire à présenter sa démission en août dernier. Ce n’est pas un hasard de calendrier si Klaus Wowereit quittera officiellement ses fonctions le 11 décembre, la veille de l’annonce par la société aéroportuaire d’une date prévisionnelle d’inauguration de l’aéroport, sans cesse repoussée depuis 2011.

Capitale créative

Dans un entretien accordé au Süddeutsche Zeitung, Klaus Wowereit fait son mea culpa. Ce n’est pas tant le report initial de l’inauguration qui lui a posé problème. « Mais jusqu’à maintenant nous n’avons pu régler les problèmes de manière durable. Au début, nous pensions que ce serait faisable dans l’espace de trois mois », déclare-t-il au quotidien allemand.

Juriste de formation, membre du Parti social-démocrate, le SPD, Klaus Wowereit est un pur produit de la politique, et a gravi un à un les échelons de la politique locale puis régionale. Très charismatique, il est à l’origine de deux slogans qui lui survivront sans doute longtemps. En 2001, pendant sa première campagne électorale, il avait déclaré : « Je suis homosexuel et c’est bien comme ça. » Ce coming out l’avait érigé en icône des mouvements gay de la capitale allemande. Klaus Wowereit est parvenu à changer l’image de Berlin en développant un tourisme de masse, attirant notamment un public jeune venant profiter des night-clubs berlinois. Sous sa houlette, Berlin s’est également imposée comme capitale créative ; selon des estimations, 20 000 artistes, tous secteurs confondus, résident dans la capitale allemande. Berlin, « pauvre, mais sexy », est ainsi le deuxième slogan de Wowereit qui a fait le tour du monde. Revers de la médaille, le maire de Berlin ne parvient pas à se débarrasser de son image de fêtard invétéré.

Polémique autour de la création d’une Kunsthalle

Élu par les Berlinois à trois reprises, âgé de 60 ans, Klaus Wowereit achève le plus long mandat des maires-gouverneurs de Berlin : treize ans. À son actif donc, figure le fait d’avoir transformé l’image de la ville en capitale à rayonnement international. À la suite d’un programme d’économies drastiques, il est également parvenu à enrayer l’explosion de la dette, même si le Land dépend encore lourdement des subventions de l’État fédéral. Parmi ces mesures, il a supprimé en 2006 le poste de « sénateur (ministre régional) à la Culture », et a décidé d’endosser lui-même ce rôle. Les Länder sont souverains en matière de politique culturelle, et Berlin disposera en 2015 d’un budget de près de 400 millions d’euros. Il a maintenu puis augmenté le budget de la Culture malgré de fortes restrictions budgétaires et a également réussi à conserver les trois opéras de Berlin. Ses détracteurs lui reprochent cependant de consacrer 95 % de ce budget à ce que les Allemands appellent la « haute culture », aux institutions établies, en négligeant l’importante scène artistique indépendante de Berlin.
Parmi les plus gros échecs de Klaus Wowereit figure l’abandon de la création d’une Kunsthalle [centre d’art], promesse électorale de son deuxième mandat. Le maire avait dans un premier temps échoué à trouver un financement privé ; puis sa majorité et le parti de coalition ont refusé l’éventualité d’un financement public, en raison des mesures d’économie budgétaire.  Le déblocage de 1,6 million d’euros pour une exposition temporaire  en 2011, qui devait préfigurer la future Kunsthalle, a ensuite suscité une vive opposition de la part des artistes, curateurs, galeristes et de quelques directeurs d’institutions. Leur principal argument : ces fonds auraient été mieux utilisés par un  soutien direct aux artistes, aux espaces et projets indépendants et aux institutions culturelles.
Klaus Wowereit quittera par ailleurs ses fonctions avant que le Staatsoper, l’opéra de l’ancien Berlin-Est, n’ait rouvert ses portes, autre fiasco en raison d’une explosion des coûts et d’un allongement des délais de travaux de rénovation.

Michael Müller prochain maire
Les membres du SPD ont élu au premier tour avec une très large majorité, soit 59 %, le successeur de Klaus Wowereit, Michael Müller. Actuellement sénateur de l’Urbanisme et de l’Environnement, il avait pourtant essuyé un revers important lorsque son projet de réaménagement de l’aéroport désaffecté de Tempelhof avait été massivement rejeté par les Berlinois lors d’un référendum en mai dernier. Il exercera les fonctions de maire-gouverneur jusqu’aux prochaines élections régionales de Berlin, en 2016.

Berlin célèbre les 25 ans de la chute du Mur

Klaus Wowereit s’apprête à participer à sa dernière grande célébration en tant que maire de Berlin. En sa présence, 8 000 ballons devaient éclairer, le 7 novembre, le tracé de l’ancien mur de Berlin sur 15 kilomètres. Le Mur a été rapidement démantelé après 1989. « Actuellement, près de la moitié des Berlinois ne savent pas où se trouvait exactement cet édifice monstrueux », déclarent les organisateurs de l’événement. Cette frontière lumineuse, conçue par les graphistes et artistes Marc et Christopher Bauder, devait être assortie d’une exposition, le temps d’un week-end. Tous les 150 mètres, des panneaux relataient la vie au temps du Mur. Et la petite histoire de rejoindre la grande Histoire, mêlant moments tragiques, curieux, et parfois heureux autour du Mur de Berlin. Le 9 novembre au soir, l’envol des ballons devait effacer de fait la frontière lumineuse, et symboliser la chute du Mur de Berlin. Le gouvernement fédéral devait organiser de son côté le même soir une grande fête populaire à la porte de Brandebourg. Une cérémonie en présence d’Angela Merkel, de l’ancien Président polonais Lech Walesa et de Mikhaïl Gorbatchev était également prévue pour commémorer la révolution pacifique de 1989. Ces deux anciens chefs de l’État, tous deux Prix Nobel de la paix, avaient également participé aux célébrations des 20 ans de la chute du Mur en 2009.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Le maire de Berlin forcé à la démission

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