TOULOUSE
La Fondation Bemberg explore avec justesse la matérialité et les fonctions de ces précieuses parures.

Toulouse. Le bijou Renaissance, véritable reflet de société, n’est pas un grand absent des expositions. Mais ces pièces de joaillerie, rares à nous être parvenues car souvent refondues ou réemployées, y sont bien souvent considérées à l’aune des autres arts décoratifs. Une approche dont la Fondation Bemberg veut prendre le contrepied. L’exposition, conçue en partenariat avec le château d’Écouen, s’axe sur le bijou en tant qu’objet, sur sa matérialité pour ensuite explorer ses pluralités de lecture au XVIe siècle. « Le fait qu’un musée ait cette approche vraiment ciblée, c’est une première en France. Et en Europe, cela n’avait pas eu lieu depuis l’exposition du Victoria and Albert Museum il y a quarante ans », soutient la directrice de la Fondation Ana Debenedetti, qui assure le commissariat avec Julie Rohou, conservatrice au château d’Écouen. De fait, la seule rétrospective française entièrement consacrée au bijou s’était jusque-là tenue dans une galerie (Kugel en 2000).
Cet axe ciblé, le parcours le respecte bien en faisant dialoguer une soixantaine de pièces de joaillerie avec une fine sélection de portraits, gravures et documents, qui servent clairement le propos. On pénètre d’emblée dans l’atelier de l’orfèvre, où moules de bijoux, modèles en plomb ou en bois et livres d’anneaux en disent long sur la diffusion des modèles et des styles en Europe. Cette partie technique, très intéressante, aurait toutefois mérité d’être plus étoffée. Elle n’effleure qu’en surface le travail du métal et le commerce des gemmes. En revanche, elle pointe bien la multiplicité des sources d’inspiration des orfèvres. Un goût pour l’Antiquité se décline aussi bien dans les thèmes que dans les formes, comme en témoigne le superbe Portrait de dame (vers 1530-1540), attribué à Girolamo da Carpi, un prêt exceptionnel du Städel Museum de Francfort. La jeune femme, vraisemblablement Renée de France, y arbore un précieux collier de perles, agrémenté d’un médaillon en forme de camée, qui représente Vénus ou une héroïne antique. Des œuvres de grande qualité donc, mises en valeur par une scénographie intimiste – signée Hubert Le Gall – malgré un éclairage qui ne leur rend parfois pas justice (certains prêts imposant une faible luminosité).

Les autres salles explorent ensuite les multiples facettes du bijou au XVIe siècle : démonstration de pouvoir et de luxe, symbole amoureux, objet dévotionnel… Une division par typologie forcément un peu scolaire, alors que de tels ornements pouvaient revêtir plusieurs fonctions (religieuse et politique par exemple), mais pertinente car très didactique. Ainsi, une impressionnante armure d’apparat, ornée d’un collier de l’ordre militaire de Saint-Michel, souligne l’importance du bijou dans la reconnaissance du statut. De précieux pendants de Cupidon, appartenant à un même corpus, sont réunis ici pour la première fois. Une section met aussi en lumière des bijoux du domaine privé, plus méconnus, investis de vertus talismaniques ou utilisés pour le soin du corps. L’incursion au XIXe siècle, en fin de parcours, se révèle tout aussi bienvenue. Elle ouvre sur les nombreux faux et pastiches très convaincants qui ont circulé à cette époque, rendant d’autant plus complexe l’authentification des joyaux de la Renaissance.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Un bijou Renaissance bien ciblé