Collection - Musée

Les chefs-d’œuvre de la Fondation Bemberg

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 20 décembre 2023 - 916 mots

Début février, l’iconique fondation ouvre à nouveau ses portes à Toulouse. L’occasion de donner un aperçu de cette collection exceptionnelle.

La Ville rose va retrouver l’un de ses fleurons, après trois ans de travaux. Le 2 février, la Fondation Bemberg rouvrira ses portes, rénovée, mise aux normes de sécurité et surtout, au goût du jour. Il faut reconnaître que la muséographie de cette insigne maison avait peu bougé depuis son inauguration en 1995, et méritait un sérieux rafraîchissement. Une gageure, quand on sait que le parcours se déploie au sein d’un des plus beaux monuments de la ville. L’alchimie particulière entre la collection et cet hôtel particulier de la Renaissance fait justement toute la magie des lieux. Car c’est un irrésistible coup de foudre qui décida le collectionneur Georges Bemberg (1915-2011) à déménager, en Occitanie, les trésors glanés tout au long de sa vie : « En quelques secondes, ma décision fut prise, c’était ça ou rien d’autre. Il y avait une telle affinité, un tel accord, une telle harmonie ! » L’amateur éclairé ne s’était pas trompé en jetant son dévolu sur ce bâtiment majestueux, élevé au XVIe siècle par l’architecte et sculpteur Nicolas Bachelier pour Pierre d’Assézat, un riche marchand de pastel de la ville, qui fut aussi trésorier d’Éléonore d’Autriche. Pourtant, rien ne prédestinait cette vertigineuse collection à prendre ses quartiers ici.

pisarro, Boucher, Véronèse...

Georges Bemberg, Argentin, est né à Buenos Aires dans une famille de grands industriels d’origine allemande. L’âme cosmopolite, il passe sa vie entre l’Amérique et l’Europe, et tout particulièrement la France, dont il adore la culture. La toute première œuvre qu’il achète, à 18 ans, est une gouache de Pissarro. L’impressionniste sera rapidement rejoint par d’autres pointures modernes, dont Monet, Degas, Gauguin, Matisse ou Picasso. Plus étonnant, l’amateur se passionne pour le Britannique Walter Sickert, une signature alors peu connue, dont il acquiert plus d’une dizaine de toiles, constituant un fonds unique.Mais à l’instar des grands collectionneurs de son temps, Bemberg met un point d’honneur à constituer des ensembles aussi riches qu’hétéroclites. L’époustouflant fonds de peinture ancienne brosse un panorama de cinq cents ans d’art français, flamand, hollandais, allemand et surtout italien. Une moisson à faire pâlir d’envie nombre de musées, avec des chefs-d’œuvre signés Boucher, Vigée Le Brun, Gossaert, Cranach, mais aussi Canaletto. L’école vénitienne semble d’ailleurs avoir eu ses faveurs, si on en juge par le nombre et la qualité des tableaux de Guardi, Titien, Tintoret et surtout Véronèse, dont le musée possède le superbe Fauconnier. Si l’on ajoute à cela des collections pléthoriques de mobilier et d’objets d’art, d’inestimables portefeuilles d’art graphique et de précieux livres anciens, on a la mesure de l’événement que constitue cette réouverture.

Cranach, artiste de prédilection

Le choix est cornélien mais s’il fallait trouver une Joconde a cette collection, ce serait elle. L’amateur a en effet réussi à s’offrir l’une des plus belles variations de ce sujet, traité à de nombreuses reprises par le maître allemand. Le soin apporté au rendu de la coiffe en velours, ainsi que le traitement miniaturiste des bijoux en font un pur chef-d’œuvre. ­Cranach faisait partie des artistes de prédilection de ­Bemberg qui en a acquis cinq tableaux.

Le relief en terre cuite d’un virtuose

Ce haut-relief en terre cuite du sculpteur Angelo De’ Rossi compte parmi les acquisitions récentes les plus spectaculaires. Probablement son morceau de réception à l’Académie de Saint-Luc à Rome en 1711, cet objet constitue un apport formidable pour la connaissance de cet artiste virtuose.

des Meubles et objets mythiques

Le mobilier et les objets d’art brillent par la richesse de leurs fonds qui s’étendent de la Renaissance au XXe siècle. La majolique italienne, la porcelaine chinoise ainsi que les émaux de Limoges et l’orfèvrerie allemande se distinguent particulièrement. Sans oublier le mobilier du siècle des Lumières, dont la Fondation possède des exemplaires convoités. À l’instar de l’armoire de Bernard Van Riesen Burgh, considérée comme l’un des plus beaux ouvrages réalisés sous le règne de Louis XV.

un fonds bonnard exceptionnel

Bemberg fait ses premières armes de collectionneur avec l’art moderne et nourrit une véritable passion pour la peinture française des XIXe et XXe siècles. Son artiste de cœur est Pierre Bonnard, dont il rassemble un fonds tout à fait exceptionnel de trente œuvres, ce qui en fait la troisième collection la plus importante après le musée d’Orsay et et le musée dédié à Bonnard au Cannet. La pièce la plus précieuse de cet ensemble est sans conteste son lumineux Autoportrait.

chefs- d’œuvre de bronze

La collection de sculptures comprend de véritables chefs-d’œuvre, à commencer par les petits bronzes de la Renaissance italienne si prisés des amateurs. Bemberg avait réussi à s’offrir non seulement des pièces de Riccio, mais aussi du célèbre Giambologna.

une Nature morte royale

Malgré la richesse des collections et les coûteux travaux, la Fondation a poursuivi ses acquisitions. Plusieurs œuvres insignes ont ainsi rejoint l’hôtel d’Assézat, dont cette appétissante nature morte qui est sans doute de provenance royale.

les plus Grandes signatures du dessin

Moins connus que les autres fonds, les œuvres sur papier regroupent cependant les plus grandes signatures des XIXe et XXe siècles. Les artistes français modernes sont particulièrement bien représentés, avec des œuvres de Pissarro, Cézanne, Renoir et Degas.

Manuscrits aux reliures ouvragées

Après la disparition de Georges Bemberg en 2011, un fonds de livres anciens issus de sa bibliothèque a été donné à la Fondation. Il comprend des manuscrits français et italiens du XVIe au XVIIIe siècle choisis pour la finesse de leurs reliures ouvragées.

À voir
Fondation Bemberg,
hôtel d’Assézat, place d’Assézat, Toulouse (31), à partir du 2 février. www.fondation-bemberg.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Les chefs-d’œuvre de la Fondation Bemberg

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