Art moderne - Collectionneurs

XIXE-XXE SIÈCLE / VISITE GUIDÉE

Sur les traces de Gustave Fayet

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 28 août 2025 - 864 mots

Trois expositions dévoilent les multiples facettes et talents d’un collectionneur majeur, artiste discret et passionné de culture japonaise.

Villeneuve-lès-Avignon, Béziers, Arles. En 2011, Magali Rougeot, autrice de la thèse Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un collectionneur, présentait notamment Le Christ Jaune (1889), Matamua (Autrefois) (1892), Te Arii Vahine (La femme du roi) (1896) et le relief Soyez mystérieuses (1890) de Paul Gauguin comme ayant appartenu à Gustave Fayet. Elle décomptait aussi huit Van Gogh, deux Cézanne, trois Renoir et trois Bonnard et, de Redon, l’un de ses plus proches amis, musicien comme lui, vingt-six papiers et toiles ainsi que les grands triptyques tendus dans la bibliothèque de l’abbaye de Fontfroide, à proximité de Narbonne. Aujourd’hui, la conservatrice Sylvie Patry, qui prépare une exposition en deux volets (Gustave Fayet collectionneur et peintre) qui se tiendra à partir de l’automne 2026 à la Fondation Louis Vuitton, avance qu’il a possédé plus de 200 Gauguin… Mais le public peut d’ores et déjà découvrir Fayet grâce aux expositions, parcours photographiques et concerts se déroulant jusqu’en 2017 en Languedoc, en Provence et en Île-de-France.

Né à Béziers (Hérault) dans une riche famille, Gustave Fayet était un homme d’affaires et viticulteur, comme son père et son oncle. Et, comme eux, il était peintre. Dans le cadre de la Saison du centenaire organisée par la famille réunie dans l’Association du Musée d’art Gustave Fayet à Fontfroide, l’abbaye Saint-André, à Villeneuve-lès-Avignon (Gard), présente plus de 100 œuvres qu’il a dessinées, gravées ou peintes en Provence.

Les Fayet rencontrent à la fin de 1915 Elsa Koeberlé et Génia Lioubow, des écrivaines et peintres qui cherchent un lieu propice à leur travail et ont été séduites par cette abbaye Saint-André. Déjà propriétaire depuis 1908 de l’abbaye de Fontfroide, acquise pour éviter son démantèlement, Gustave Fayet achète Saint-André en août 1916 afin d’y loger le couple de créatrices qu’il nomme, dans la légende d’un dessin, « le LioKoe ». Désormais attaché à la Provence, le collectionneur de Van Gogh, Gauguin et Cézanne la peint avec leur exemple en tête et dans un esprit proche du symbolisme. À la fin de 1920, il achète la villa Costebrune, au Pradet, près de Toulon, dont Olivier Schuwer, coordinateur général de la Saison Fayet (1), montre l’importance dans un essai du catalogue Gustave Fayet en Provence. Entre décembre 1921 et février 1922, il orne lui-même les murs de la villa Costebrune de peintures décoratives inspirées cette fois par la Grèce et le Japon.

À Béziers, Fayet et le Japon

Ce goût pour le Japon est l’objet de l’exposition réunissant 54 œuvres et documents au Musée Fayet de Béziers. Né dans cette maison, Fayet y a résidé jusqu’en 1905, a été le conservateur des collections de la Ville et a organisé, en 1901, un salon grâce auquel les Biterrois ont découvert Cézanne, Gauguin, Redon et même le jeune Picasso. Le musée était tout indiqué pour, en retour, faire découvrir l’importance de l’art japonais pour Fayet, un aspect de sa carrière de collectionneur jusqu’ici très peu étudié. Il a acheté ses premiers objets d’art japonais à Béziers en 1895 et ses six premières estampes à la vente après décès d’Edmond de Goncourt, en 1897. Au cours de sa vie, il en a possédé environ 1 200, pour la majorité d’entre elles acquises dans les années 1907-1908, parfois revendues ou échangées pour d’autres, et il les a réparties entre ses différentes résidences. À la vente de la collection de Charles Gillot, en 1904, il acquiert une sculpture, une carpe de bois, laque et nacre pour la somme conséquente de 800 francs. Ces achats avaient lieu à Paris mais aussi en Languedoc, notamment auprès d’un marchand itinérant, Armand Logé.

La directrice du musée, Stéphanie Trouvé, s’est attachée à montrer que les Fayet vivaient leur passion japonaise au quotidien. Une Robe japonisante de la maison parisienne Babani (vers 1900) ayant appartenu à Madeleine Fayet et des photographies en témoignent. La spiritualité orientale, matérialisée par des statues du Bouddha, imprégnait les lieux où travaillait Gustave. Au château d’Igny (Essonne), acquis en 1912 (la famille résidait alors à Paris, rue de Bellechasse), nombre d’estampes étaient accrochées dans les couloirs, à l’abri de la lumière. Dans un essai du catalogue, Lucie Chopard et Olivier Schuwer décrivent le goût de Fayet pour les surimono, ces petites estampes commandées par des lettrés pour servir d’invitations ou de cartes de vœux.

Cette collection japonaise l’a inspiré dans un domaine dans lequel il semble qu’il désirait se reconvertir, les arts décoratifs et le métier de décorateur. Ses vases de grès inspirés du Japon, créés avec Louis Paul, ont été exposés par Bing en 1899. Il a fait imprimer des tissus dont il dessinait les motifs et ses tapis ont figuré à l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925. Il ne faut pas oublier, enfin, son activité d’illustrateur. Elle est célébrée au Museon Arlaten, à Arles, qui présente dans l’exposition « Mais quel pays ! », scénographiée par Christian Lacroix, ses 72 dessins pour l’édition de Mireille de Frédéric Mistral. En préfiguration, les éditions Actes Sud ont publié Mireio/Mireille (2024), le texte original et une nouvelle traduction de ce poème avec les illustrations de Fayet.

(1) Saison du centenaire Gustave Fayet : tout le programme sur le site gustavefayet.fr

Gustave Fayet en Provence,
jusqu’au 30 octobre, abbaye Saint-André, 58, rue Montée-du-Fort-Saint-André, 30400 Villeneuve-lès-Avignon.
Gustave Fayet et le Japon,
jusqu’au 31 octobre, Musée Fayet, 9, rue du Capus, 34500 Béziers.
Gustave Fayet : Mais quel pays !,
jusqu’au 21 septembre, Museon Arlaten, 29, rue de la République, 13200 Arles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Sur les traces de Gustave Fayet

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