La ville des Hauts-de-France ouvre les commémorations avec deux manifestations dont l’une recrée l’univers de la grande Exposition internationale de 1925 à Paris.
Saint-Quentin (Aisne). L’année 2025 marque le centième anniversaire de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui s’est tenue à Paris du 28 avril au 30 novembre 1925 et a donné son nom à l’Art déco. Vingt et un pays avaient répondu présent à cette énorme manifestation. Avant les deux grandes expositions de l’automne qui auront lieu à Paris au Musée des arts décoratifs et à la Cité du patrimoine, la ville de Saint-Quentin ouvre les festivités en beauté.
Saint-Quentin ayant vu son centre-ville détruit à 70 % à l’issue de la Première Guerre mondiale, la cité met aujourd’hui en valeur son beau patrimoine Art déco datant de la reconstruction. L’ancien grand magasin des Nouvelles Galeries, inauguré en 1927, a été transformé en 2012 en espace muséographique, le Palais de l’Art déco. Le bâtiment dû en 1922 à l’architecte Sylvère Laville a conservé en grande partie son décor d’origine, parfait écrin pour l’exposition qui célèbre les 100 ans de cette esthétique.
La scénographie de Laura Bodénez et les éclairages d’Olivier Irthum magnifient un parcours conçu comme une promenade dans certains lieux de l’Exposition de 1925. De grands agrandissements de photographies d’époque montrent l’extérieur et l’intérieur de ces espaces. Le visiteur passe par des cellules matérialisées par des murs colorés où sont présentés certains des produits qui étaient exposés dans les pavillons, les boutiques ou les palais. La haute couture, par exemple, était répartie entre le pavillon de l’Élégance et le Grand Palais. Les 300 objets sont présentés en vitrine à l’exception de quelques tableaux, sculptures et meubles.
Les commissaires, Emmanuel Bréon et Anne-Sophie Destrumelle, n’ont pas rassemblé uniquement des artefacts qui ont été exposés en 1925, mais ils restituent ici le goût Art déco par des équivalents. Ainsi, une coiffeuse et une chaise (vers 1921) de l’ébéniste Maurice Dufrène, prêtées par le Musée des arts décoratifs, n’y figuraient pas, mais cet ébéniste et ensemblier-décorateur y était présent grâce, notamment, au « Petit Salon » installé dans le pavillon « Une ambassade française ». De même, la Fontaine lumineuse (vers 1925-1930) de Marius Sabino évoque la monumentale fontaine Les Sources de France de René Lalique qui ornait l’esplanade des Invalides.
Les vêtements et accessoires, chaussures, maquillage et parfums, vaisselle, verrerie, argenterie, ameublement et objets décoratifs viennent de nombreux prêteurs. Des musées, certes, mais aussi des particuliers et des entreprises aux fonds inestimables. Le Lanvin Heritage a ainsi confié les éléments de la « Loge d’actrice » qui était mise en scène à l’Exposition et notamment la robe vert d’eau La Duse (1925, [voir ill.]) que porte un mannequin assis sur une Chaise Cross d’Armand Albert Rateau et un ensemble robe et manteau en coton imprimé et lamé doré. Le Nécessaire de toilette, modèle Marthe Chenal (1921) prêté par la Collection Louis Vuitton évoque, de son côté, le coffret Milano qui était présenté sur le stand du malletier au Grand Palais.
En fin de parcours, une toute petite section ouvre une perspective sur l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne de 1937, à Paris toujours, qui marque le passage de l’Art déco à une esthétique plus radicale et, pour la décoration, à une esthétique plus géométrique et dépouillée.
Gaston Suisse (1896-1988) et son bestiaire de laque
Au Palais de l’Art déco, deux panneaux de laque annoncent l’exposition qui se tient parallèlement au Musée des beaux-arts. Y est présenté Gaston Suisse, un laqueur et décorateur, essentiellement artiste animalier, célèbre dans les années 1920-1930. Des croquis d’oiseaux, de fennecs, de félins ou d’un maki y voisinent avec des panneaux laqués représentant des aigrettes, des hirondelles de Chine, des écureuils de Malaisie ou un orang-outan. Ce bestiaire précieux, complété de boîtes, coffrets et tables gigognes laqués des années 1930 et de cahiers de notes, témoigne des recherches techniques qui ont permis à Gaston Suisse de développer le style très personnel qui a fait son succès.
Gaston Suisse. De nature et d’or,
jusqu’au 21 septembre, Musée des beaux-arts Antoine-Lécuyer, 28, rue Antoine Lécuyer, 02100 Saint-Quentin.
Élisabeth Santacreu
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Saint-Quentin célèbre les 100 ans de l’Art déco





