Art déco

Voyage

Le souffle nomade de Lalique

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2016 - 529 mots

Le Musée Lalique présente une exposition sur les créations luxueuses du maître verrier destinées aux paquebots, trains ou automobiles à l’apogée de l’Art déco.

WINGEN-SUR-MODER - René Lalique avait le mal de mer, dit-on, ne partait que rarement à l’étranger, et déconseillait même à son épouse de faire de la bicyclette. Le créateur a pourtant participé à la splendeur des voyages de luxe à bord des paquebots, trains et automobiles dans l’entre-deux-guerres. C’est sur ces contributions, menées alors que la renommée du verrier est à son apogée et sa carrière de bijoutier loin derrière lui, que se penche le Musée de Wingen-sur-Moder. La visite s’ouvre sur les ambassadeurs du savoir-faire français qu’ont été les grands paquebots : le Paris, l’Île-de-France et plus encore le Normandie, sommet de technique et de raffinement à l’époque du triomphe de l’Art déco. C’est par fragments que le visiteur peut reconstituer les créations de Lalique pour ces palaces flottants : des photos des salons d’apparat (celui du Normandie était plus vaste que la galerie des Glaces à Versailles), une gouache de Suzanne, sa fille, combinaison de crabes et araignées de mer pour un motif de moquette, un superbe plan de coupe de l’Île-de-France ou des éléments de vaisselle. Des majestueux luminaires de Lalique ne subsistent que quelques fragments, tandis que malles, costumes, affiches, maquettes ou encore mobilier signé Ruhlmann de nombreux éléments tentent de donner corps à l’ambiance de ces palaces flottants façonnés par les plus grands créateurs de l’époque.

Un verrier innovant
La contribution de Lalique au transport automobile se limite à un ornement d’une quinzaine de centimètres, phénomène de mode aussi fulgurant que fugace, développé entre 1925 et 1931 : celui des bouchons de radiateurs. Surfant sur cette vogue, Lalique crée une trentaine de modèles, essentiellement d’inspiration naturaliste, réunis dans l’exposition en plusieurs versions, dont des exemplaires colorés. Pour montrer ces figures de proue en situation, trône une Citroën 5 CV coiffée d’un bouchon présentant les profils de cinq chevaux bondissants. C’est dans ce volet que se révèlent les qualités d’entrepreneur de Lalique et sa faculté à allier art et industrie : un catalogue en version anglaise ou des encarts publicitaires le révèlent fin commercial, tandis qu’une libellule dotée d’un ingénieux système breveté d’éclairage électrique démontre l’attention qu’il portait à l’innovation. 

L’exposition se poursuit sur les rails. De la collaboration de Lalique avec le décorateur Nelson pour le wagon présidentiel d’Alexandre Millerand (1920-1924) sont montrées quelques photos et les portes de verre ornées de branches d’olivier ou de chêne. Il est plus aisé de se projeter dans l’univers du Côte d’Azur Pullman Express, inauguré en 1929, grâce à la présentation d’une série de grands panneaux aux entrelacs de merles et raisins fabriqués grâce à sa technique de verre moulé-pressé, mais surtout d’une maquette de wagon à taille réelle. Le travail de Suzanne retient à nouveau l’attention, pas tant pour ses étoffes et moquettes, mais pour ses brassées de fleurs incrustées dans des boiseries de platane, la pâte de verre rehaussée de poudre d’argent leur conférant la fraîcheur d’un bouquet à peine cueilli. L’ensemble des panneaux avait été réutilisé dans le mythique Orient-Express, objet d’une exposition à l’Institut du monde arabe en 2014.

Lalique et l’art du voyage

jusqu’au 2 novembre, Musée Lalique, rue du Hochberg 67290 Wingen-sur-Moder, 03 88 89 08 14, www.musee-lalique.com ; jusqu’au 30 septembre tlj 10h-19h, octobre et novembre mardi-dimanche 10h-18h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : Le souffle nomade de Lalique

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