Préhistoire

Aquitaine

L’Homme de Néandertal, cet incompris

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 2 septembre 2008 - 641 mots

LES EYZIES-DE-TAYAC

Le Musée national de la Préhistoire réunit de manière exceptionnelle dix sépultures néandertaliennes. Elles apportent un éclairage nouveau sur un être considéré longtemps, à tort, comme un simple primate.

LES EYZIES-DE-TAYAC (DORDOGNE) - Non, l’homme de Néandertal, découvert en 1856, n’était pas ce primate incapable d’humanité comme on l’a longtemps cru, inférieur physiquement et intellectuellement au Sapiens sapiens dont nous descendons. Preuve en est : il est vraisemblablement le premier à avoir enterré ses morts selon des rites funéraires particuliers. Pour sa 4e exposition temporaire organisée depuis sa réouverture en 2004, le Musée national de la Préhistoire des Eyzies-de-Tayac a choisi de célébrer le centenaire des premières découvertes des sépultures néandertaliennes en Aquitaine, réunissant pour l’occasion les principaux restes humains de cette période. Onze squelettes sur les quarante connus dans le monde, vieux de 40 000 à 70 000 ans, ont fait le voyage, dont quelques-uns provenant de La Ferrassie (Dordogne) prêtés exceptionnellement par le Musée de l’Homme, où ils sont d’ordinaire conservés dans des coffres-forts. D’autres ont été découverts au Moyen-Orient.
En mars 1908, c’est donc sur le site du Moustier (Dordogne) qu’est découverte la première sépulture. Son inventeur compte alors la vendre au plus offrant : le squelette sera exhumé à cinq reprises avant de trouver un acquéreur, d’où une altération profonde des couches géologiques. Quelques mois plus tard, une seconde découverte bouleverse définitivement les idées reçues. À la Chapelle-aux-Saints (Corrèze), deux prêtres, les frères Bouyssonie, certifient que la découverte qu’ils ont faite concerne un dépôt funéraire dans une fosse sépulcrale, organisé avec soin. En plein débat anticlérical, les certitudes sont désormais ébranlées : l’homme de Néandertal enterrait ses morts. Les découvertes postérieures confirmeront cette hypothèse : un fœtus, des enfants et un vieillard atteint d’une maladie des os, ont fait également l’objet de rites d’inhumation. L’étude de ces restes humains apporte par ailleurs son lot d’informations. Ainsi, l’enfant découvert au Roc-de-Marsal (Dordogne) ne présente-t-il pas le traditionnel bourrelet surorbital des néandertaliens – des sinus proéminents –, signe que ce caractère se développerait avec l’âge adulte pour résister à la rudesse du climat. On sait aujourd’hui que les néandertaliens, disparus vers - 30 000 av. J.-C. en Europe de l’Ouest, ont vécu un temps en parallèle de l’Homo sapiens sapiens, avant d’être décimés, vraisemblablement par une épidémie.

Rites sacrés ?
Cette exposition d’anthropologie raconte donc cette histoire, dans une scénographie sobre et élégante, estampillée RMN (Réunion des Musées nationaux), qui soutient ici pour la première fois une présentation temporaire au musée. Les illustrations d’Emmanuel Roudier viennent donner un peu de chair à ces restes humains difficiles à faire parler pour le commun des mortels. Si certaines subtilités échapperont aux non spécialistes, la diversité des gestes funéraires y apparaît clairement. Et nul ne pourra éviter de se poser la question sous-jacente : ces rites ont-ils un lien quelconque avec le sacré ? Les commissaires de l’exposition n’apportent pas de réponse, les indices étant trop ténus, mais proposent en revanche de montrer comment l’ordre du symbolique s’y insinue, notamment lorsque des offrandes (racloirs, pierres creusées de cupules) accompagnent les morts. Tout en rappelant que d’autres habitudes coexistaient, telles ces pratiques de décarnisation, consistant à enlever chairs et tendons des corps des défunts. Pour pratiquer des actes de cannibalisme ? Là encore, rien ne le prouve ni le dément. Néandertal était donc bien un être plus complexe qu’on ne l’a longtemps pensé. Mais son espace mental nous échappe encore.

PREMIÈRE HUMANITÉ

- Direction scientifique : Bernard Vandermeersch, professeur, chercheur, Université Bordeaux I
- Commissariat général : Jean-Jacques Cleyet-Merle, conservateur général du patrimoine, directeur du Musée national de la Préhistoire ; Jacques Jaubert, professeur de Préhistoire, Université Bordeaux I
- Commissariat : Bruno Maureille, directeur de recherches au CNRS ; Alain Turq, conservateur en chef du patrimoine, Musée national de la Préhistoire
- Scénographie : Philippe Renaud
- Illustrations : Emmanuel Roudier, dessinateur

PREMIÈRE HUMANITÉ

Jusqu’au 12 octobre, Musée national de la Préhistoire, 1, rue du Musée, 24620 Les Eyzies-de-Tayac, tél. 05 53 06 45 45, www.musee-prehistoire-eyzies.fr, tlj sf mardi 9h30-18h30 (9h30-12h30 et 14h-17h30 à partir d’octobre). Cat. Collectif, 192 p., éd. RMN, 30 euros, ISBN 978-2-7118-5426-4.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : L’homme de Néandertal, cet incompris

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