Art contemporain

Rétrospective

Les scènes de Gilles Aillaud

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 10 février 2015 - 708 mots

Le Musée des beaux-arts de Rennes rend hommage à l’artiste en embrassant les divers pans de son activité, de la peinture au graphisme en passant par le décor de théâtre.

RENNES - Disparu en 2005, le peintre Gilles Aillaud (né en 1928) méritait bien une rétrospective. Celle que lui consacre le Musée des beaux-arts de Rennes, et qui par la suite ira à Saint-Rémy-de-Provence au Musée Estrine, puis à Clermont-Ferrand au Frac (Fonds régional d’art contemporain) Auvergne, tient largement ses promesses en ce qu’elle regarde au-delà du… peintre ; elle confère en effet une belle place à la pratique graphique tout en s’intéressant à son activité, dense, dans le monde du théâtre, que l’on avait un peu oubliée. Des quelque deux cents œuvres exposées ici, cinquante-six sont des tableaux, le reste comprend des dessins et lithographies, auxquels s’ajoutent quelques affiches.

Mais la peinture d’abord. Une courte entrée en matière, comportant deux autoportraits à l’aquarelle de 1955 et une huile de la même année figurant la Cour de l’atelier, présente d’emblée la double approche d’Aillaud vis-à-vis du motif qui l’occupera toute sa carrière. Car alors que les premiers paraissent vagues et quelque peu dilués, la seconde affirme un intérêt pour la solidité du cadre et l’organisation architecturée.

La grande salle qui suit confirme cette oscillation. Le visiteur y retrouve tout ce qui a contribué à la notoriété de l’artiste, ces lieux fermés, ces animaux en cage retenus dans des espaces très structurés, découpés par des tracés francs, comme dans Grilles no 2 (1964) où des jeux de lignes d’orientation différente dessinent un motif à la remarquable complexité, tandis qu’Intérieur et hippopotame (1970) déploie un savant agencement de parois murales. Parfois Aillaud défie la rétine et sa possibilité de mise au point, lorsqu’il s’amuse avec des motifs de petits carreaux par exemple (Carrelage, arbre, serpent, 1975). Ailleurs la rigueur se relâche, le motif se fait plus flou et le fini est volontairement moins léché, comme pour ces ours se détachant sur un fond presque délavé (La Fosse aux ours, 1979). Sans oublier bien sûr ces tableaux exécutés après la découverte de l’Afrique qui viennent clore le parcours. L’enfermement y cède à l’ouverture, l’espace s’élargit et s’affirme plus horizontal, les teintes se font plus claires, comme détrempées ; ainsi de ces scènes marines peintes en Bretagne dans les années 1990, devenues très atmosphériques.

Les animaux, ces choses
En jouant de la sorte sur des registres distincts, l’artiste souligne à la fois son attachement au sujet et sa volonté de se distancier du motif, qui ne revêt ici aucune dimension psychologique. Aillaud s’ancre dans le réel et pense celui-ci par la peinture. En attestent ces propos judicieusement mis en exergue sur une cimaise : « Je peins des choses, je suis absolument incapable de peindre une idée. »

Les choses, ce sont pour beaucoup des animaux, comme le laisse voir sa peinture, mais aussi sa pratique graphique. C’est l’une des belles surprises de l’exposition que de montrer une cinquantaine de dessins, pour beaucoup consacrés au genre animalier et qui révèlent là encore une précision dans l’attention portée au sujet, en même temps qu’une grande liberté d’exécution. La même section révèle en outre des lithographies, issues des quatre volumes d’une Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux parus entre 1988 et 2000 ; dans le premier tome, les images sont accompagnées de portraits d’animaux rédigés par des écrivains tels Jean-Christophe Bailly ou Heiner Muller, tandis que le troisième illustre l’Histoire des animaux d’Aristote.

Aillaud était en effet très lié à des hommes de lettres et dramaturges, au point d’avoir collaboré à pas moins de cinquante-deux spectacles de théâtre entre 1972 et 2005, pour lesquels il a parfois assuré la mise en scène, costumes compris, ou seulement composé des affiches. La liste des metteurs en scène avec lesquels il a travaillé, qui inclut des personnalités tels Luc Bondy, Jean Jourdheuil ou Klaus Michael Grüber, en dit long sur le degré d’exigence de l’artiste. Quoique modeste, ce focus est bienvenu : il rappelle que dans la peinture si attentive de Gilles Aillaud se joue toujours quelque chose de l’ordre de la construction d’un espace scénique.

Gilles Aillaud

Commissariat : Anne Dary, directrice du musée, et Laurence Imbernon, conservatrice
Nombre d’œuvres : environ 200

Gilles Aillaud. 1928-2005, jusqu’au 17 mai, Musée des beaux-arts, 20, quai Émile-Zola, 35000 Rennes, tél. 02 23 62 17 45, www.mbar.org, tlj sauf lundi 10h-12h, 14h-18h, mardi 10h-18h, entrée 5 €. Catalogue, éd. Somogy, 104 p., 19 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°429 du 13 février 2015, avec le titre suivant : Les scènes de Gilles Aillaud

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