Les cultures bassari sont au Musée Dauphinois

Grenoble (Isère). Le département de l'Isère (*) entretient depuis plusieurs années une relation de coopération avec le sud-est du Sénégal où vivent les populations du « Pays bassari » (département de Kédougou), une localité entrée au patrimoine mondial de l’Unesco en 2012. Pour cette exposition présentée au Musée dauphinois, des associations de populations bassari ont contribué au choix des objets et à la rédaction de certains textes ou cartels, « dans une démarche d’inclusion habituelle au musée », indique son directeur, Olivier Cogne. Les pièces exposées proviennent de collectes effectuées sur place, des collections du Musée du quai Branly et de celles du Musée Théodore-Monod de l’Ifan (Institut fondamental d’Afrique noire, Dakar). Et deux commissaires sénégalais ont travaillé à l’exposition avec Olivier Cogne, El Hadji Malick Ndiaye (Musée Théodore-Monod) et Aimé Kantoussan (Musée des civilisations noires, Dakar).

Le propos se tient donc au plus près des populations du Pays bassari où les communautés vivent « en marge du reste du Sénégal », selon Olivier Cogne. Un isolement géographique qui a permis la continuité des traditions et des rituels chez ces populations, notamment les classes d’âge et leurs cérémonies de passage : outre des parures et objets usuels, le parcours comprend un dispositif de figurines à manipuler pour comprendre les classes d’âge dans chaque communauté (le terme « Bassari » recouvre cinq groupes de populations). Il alterne archives audiovisuelles, vitrines épurées et photographies couleur du XXe siècle, avec une attention portée au contexte social : des cartels comportent ainsi une photo de l’objet porté ou manipulé (collier, masque, coiffe). Les cérémonies rituelles occupent une large place ici, car « c’est une région de masques, et il faut faire comprendre aux visiteurs que le masque porté devient un être animé ».

Tout est donc fait pour rendre proches les cultures bassari, et la scénographie très colorée de Héloïse Thizy Fayolle y participe : la salle consacrée aux saisons et à l’agriculture arbore deux couleurs (bleu-vert et beige) correspondant à l’alternance entre la saison des pluies et la saison sèche, avec des décors végétaux au plafond et des objets d’artisanat (vannerie, poterie). En écho à la notion de beauté, sont présentés de grands portraits d’hommes et de femmes en tenue cérémonielle sur des murs rouge vif dont la couleur rappelle celle des perles bassari.

Des bornes sonores qui diffusent des musiques traditionnelles bassari et des témoignages individuels sur l’organisation sociale contribuent à rendre cette scénographie « immersive ». Face à la modernisation, les populations bassari cherchent à conserver leurs traditions, et les belles photographies de masques et costumes par Julien Masson au Festival des minorités ethniques en illustrent la transmission.

Quelques œuvres d’art contemporain concluent le parcours et ouvrent des perspectives politiques, sur l’écologie (mannequins de Culture Ailleurs-Compagnie Gorgorlou) ou le rôle du collectif (photographies de Nicolas Derné). La participation des populations autochtones à l’exposition apporte ainsi des nuances à un sujet classique en ethnologie, présenté à l’aide d’une scénographie qui témoigne d’une réflexion de fond sur la manière d’exposer les cultures non européennes.