Italie - Antiquité

Le sculpteur grec Phidias comme chez lui à Rome

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 26 janvier 2024 - 790 mots

ROME / ITALIE

La Ville éternelle célèbre pour la première fois l’un des plus grands artistes de la Grèce antique.

Vue de l'exposition « Phidias » au Musei Capitolini, Villa Caffarelli. © Monkeys Video Lab
Vue de l'exposition « Phidias » au Musei Capitolini, Villa Caffarelli.
© Monkeys Video Lab

Rome. Les musées du Capitole, gardiens des trésors de la Rome antique, rendent hommage au plus grand sculpteur du premier classicisme grec. Pour la première fois, une exposition monographique est consacrée à Phidias (vers 490 av. J.-C. -430 av. J.-C.) en Italie. Elle inaugure un cycle de cinq expositions visant à faire connaître au grand public les grands maîtres de la Grèce antique ; les deux prochains rendez-vous honoreront Praxitèle puis Scopas. Consacrer le premier à Phidias s’est imposé comme une évidence tant cet architecte également orfèvre et peintre a influencé l’imaginaire collectif artistique de l’Antiquité à nos jours. Ce protégé de Périclès est en effet chargé vers 450 av. J.-C. de superviser l’ensemble des travaux entrepris sur l’Acropole d’Athènes dont, en particulier, la reconstruction du Parthénon. En 437 av. J.-C., il part à Élis et Olympie où il réalise une grandiose statue chryséléphantine de Zeus considérée comme l’une des sept merveilles du monde antique et qui disparaîtra dans un incendie à Constantinople au Ve siècle apr. J.-C. Il aurait également certainement conçu le décor sculptural du temple de Zeus à Olympie qui fera figure d’apogée du « style sévère » ou premier classicisme de la sculpture grecque.

Le choix de Rome n’est pas anodin pour une première exposition monographique consacrée à Phidias. Si Athènes fut le berceau de son génie artistique, la Ville éternelle fut celui de sa postérité. C’est dans la capitale de l’Empire que plusieurs de ses chefs-d’œuvre sont arrivés pour être copiés puis diffusés dans tout le monde méditerranéen. C’est ici enfin que son mythe a ressuscité à la Renaissance pour ne plus jamais disparaître. « Aucun artiste ne pourra jamais dépasser Phidias », affirmait Auguste Rodin dans son ouvrage L’Art publié en 1911. Le sculpteur grec était pour lui le seul à pouvoir rivaliser avec Michel-Ange. C’est donc tout naturellement avec la Pallas au Parthénon de Rodin, tête féminine coiffée du monument athénien réalisée en 1896, que s’ouvre l’exposition des Musées du Capitole dont le commissaire est Claudio Parisi Presicce, surintendant du patrimoine culturel de Rome. « Nous avons voulu reconstituer la figure énigmatique, presque fantasmatique de Phidias en présentant aussi bien sa vie et son travail que le contexte historique et culturel dans lequel ils se sont inscrits. Nous nous sommes attachés à montrer son influence au-delà d’Athènes et à travers les siècles. Phidias, dont l’œuvre a connu un regain d’intérêt aux XVIIIe et XIXe siècles, a constitué une source d’inspiration en tant que modèle indépassable du premier classicisme grec », explique-t-il.

Une tranquille noblesse

Plus d’une centaine d’œuvres provenant des plus grandes institutions culturelles italiennes et internationales, dont le Metropolitan Museum de New York, les musées du Vatican, du Louvre ou le Musée archéologique national de Naples, sont ainsi offertes à l’admiration du public. Des vestiges archéologiques originaux grecs, des copies antiques romaines mais aussi des tableaux, monnaies et dessins sont rassemblés dans six sections, qui déroulent les grandes étapes de la carrière de Phidias : les travaux sur l’Acropole et pour le Parthénon, les statues monumentales pour le culte de la déesse Athéna ou encore celles en l’honneur de Zeus à Olympie.

La sobriété de la scénographie exalte la gravité et la tranquille noblesse émanant de la statuaire grecque. Certaines pièces sont exposées pour la première fois hors des musées où elles sont habituellement conservées. Parmi les plus précieuses figurent quatre fragments originaux de la frise du Parthénon venant du Musée de l’Acropole et du Kunsthistorisches Museum de Vienne, le bouclier dit « de Strangford » du British Museum (copie romaine en marbre du bouclier d’Athéna Parthénos en or et ivoire) ou encore une copie romaine en marbre datant de l’époque augustéenne de la tête en bronze d’Athéna ornant l’Acropole [voir ill.]. On peut également admirer de très rares manuscrits : le Codex Hamilton 254 (Staatsbibliothek zu Berlin), qui, datant du XVe siècle, contient la première image du Parthénon arrivée en Europe ; mais aussi les vues d’Athènes de Jacques Carrey prêtées par la Bibliothèque nationale de France. Réalisées en 1674, elles permettent d’observer les sculptures et les décorations du Parthénon encore en place juste avant la catastrophe de la canonnade vénitienne et l’explosion qui le détruisit en grande partie en 1687. Un monument au temps de sa splendeur qu’il est possible de visiter virtuellement en réalité augmentée grâce à une installation multimédia présentée au sein de l’exposition.

Le parcours s’achève par l’héritage laissé par Phidias hors du monde grec antique avec une attention toute particulière portée aux sculpteurs italien Antonio Canova (1757-1822) et danois Bertel Thorvaldsen (1770-1844) qu’il a profondément influencés. Comme Rodin, ils estimaient que « l’art antique signifie bonheur de vivre, quiétude, équilibre, raison» et hissaient Phidias parmi ses plus grands interprètes.

Phidias,
jusqu’au 5 mai, Musei Capitolini, Villa Caffarelli, piazza del Campidoglio 1, Rome.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°625 du 19 janvier 2024, avec le titre suivant : Le sculpteur grec Phidias comme chez lui à Rome

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