Art moderne

XIXE-XXE SIÈCLE

Le Petit Palais plonge dans Devambez

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2022 - 661 mots

PARIS

André Devambez, peintre, illustrateur et créateur publicitaire, a beaucoup produit dans des genres très divers. Il était temps de redécouvrir son humour, sa fantaisie, son humanisme et sa capacité à émouvoir.

Paris. Il n’était pas vraiment oublié : parmi les œuvres que l’on peut voir au Petit Palais, La Charge, boulevard Montmartre (1902-1903) avait par exemple été présentée en 2020 au MuMa, au Havre, dans l’exposition « Nuits électriques », et l’historien de l’art Dominique Lobstein montrait cette année à Paris, dans « Le théâtre des émotions » au Musée Marmottan, Les Incompris (1904) et La Pensée aux absents (1926-1936). Quant à La Mère de l’artiste (1927-1928) de la collection de Pierre Rosenberg, le portrait a frappé tous les visiteurs de la « Préfiguration du musée du Grand Siècle », à Sceaux (Hauts-de-Seine). Cependant, aucune grande rétrospective n’avait jamais été consacrée à André Devambez (1867-1944) et l’on doit cette initiative à Guillaume Kazerouni, qui a pu obtenir en 2014 du Centre national des arts plastiques le dépôt de L’Exposition internationale de 1937, vue du deuxième étage de la tour Eiffel (1937, coll. du Fnac) au Musée des beaux-arts de Rennes où il est responsable des collections d’art ancien. Rennes a présenté l’exposition en début d’année. Avec Maïté Metz, conservatrice au Petit Palais, Guillaume Kazerouni a pu réunir près de 250 œuvres appartenant à des musées, galeries et collectionneurs. Leur travail ainsi que celui de Michel Ménégoz, auteur du catalogue raisonné, et des universitaires Catherine Méneux et Laurent Houssais a également donné naissance au catalogue, le seul ouvrage d’importance existant actuellement sur le peintre.

L’exposition montre bien l’extraordinaire diversité de l’inspiration et des techniques de Devambez, incluant la photographie dont il était passionné. Ne se reconnaissant dans aucun mouvement, il détestait Cézanne et les avant-gardes. Prix de Rome, exposant assidu au Salon de la Société des artistes français, professeur aux Beaux-Arts et membre de l’Institut, il délaissa vite la peinture d’histoire. Il la retrouva en travaillant à une série d’œuvres sur la Commune de 1871, en 1910-1911, ou avec la Première Guerre mondiale, dans les tableaux, dessins et estampes qui rendent compte de son expérience traumatisante du conflit. Il adopte alors une pâte épaisse, des couleurs sombres, et retrouve le clair-obscur de sa jeunesse.

Cadrages audacieux, vues du dessus

Mais les années 1910 sont aussi celles durant lesquelles il produit de lumineuses vues d’avion comme Le seul oiseau qui vole au-dessus des nuages (1910) ou le cycle « La Vie et les Inventions modernes » (1912), douze compositions aux couleurs pastel pour le décor de l’ambassade de France à Vienne. Fasciné par le métro et la foule qui s’y presse, il en peint des vues intérieures de 1903 à 1937 environ. Excellent portraitiste, il se permet des compositions et cadrages audacieux lorsqu’il prend des proches pour modèles, ses enfants par exemple (Portrait de Pierre et Valentine, 1925).

Il est également versatile dans son œuvre de créateur publicitaire et d’illustrateur. Il s’y montre fréquemment débordant d’humour, mais travaille aussi dans une veine fantastique rappelant celle de l’Américain Winsor McCay, par exemple dans les illustrations de 1909 pour le roman Une invasion de macrobes d’André Couvreur. Quant aux architectures qu’il invente pour orner Les Condamnés à mort de Claude Farrère (1920), elles préfigurent celles de François Schuiten, auteur contemporain de bandes dessinées.

Dans les années 1920, ce gros travailleur commence à inonder le marché de petits tableaux reprenant des scènes de genre qu’il a souvent traitées auparavant en grand format : le public en est friand, d’autant plus lorsque les personnages sont peints de dessus par ce spécialiste des vues plongeantes. Au cours de la décennie suivante, cherchant une autre inspiration susceptible d’attirer la clientèle, il réalise des œuvres décoratives telle Ulysse et Calypso (1936) où l’on retrouve des accents de Ker-Xavier Roussel. Qu’il s’agisse de ses choix stylistiques, économiques, ou de ses méthodes de travail, l’exposition et le catalogue permettent de cerner au plus près un artiste qui, fils d’un graveur et éditeur, exerçait son métier de peintre en artisan consciencieux.

André Devambez. Vertiges de l’imagination,
jusqu’au 31 décembre, Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°595 du 23 septembre 2022, avec le titre suivant : Le Petit Palais plonge dans Devambez

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