Art ancien

XVIIIE-XIXE SIÈCLES / VISITE GUIDÉE

L’art et la science à la cour de Rodolphe II

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 2 juin 2025 - 505 mots

Le Louvre explore l’univers raffiné de l’empereur (1552-1612) où curiosité scientifique et art précieux forment une collection fascinante.

Paris. Match retour d’un partenariat entre la Galerie nationale de Prague et le Louvre (après une exposition consacrée à la gravure maniériste à Prague, durant l’été 2024, bénéficiant de nombreux prêts parisiens), « L’expérience de la nature » est une exposition qui aurait pu avoir un tout autre visage : « Nous avions carte blanche pour les prêts, on nous proposait de grands tableaux d’autels maniéristes », se souvient Philippe Malgouyres, co-commissaire de l’exposition avec Olivia Savatier. Mais dans les galeries de la Národní galerie, l’attention des deux conservateurs du Louvre s’est finalement portée sur des objets de bien plus petites tailles.

Dans la galerie Richelieu, cette sélection concise d’une centaine de pièces apparaît bien plus adaptée aux espaces d’exposition en enfilade, et permet surtout de changer le regard sur le sujet traité. Il n’y a pas de référence au maniérisme dans ce parcours consacré aux arts sous le règne de Rodolphe II, empereur du Saint-Empire romain germanique dont l’activité de mécène est associée au développement nordique de la manière venue de Toscane.

L’exposition développe des thèmes que l’on associe plutôt à la fin du XVIIIe et XIXe siècles : la redécouverte de la nature et son observation, l’influence des sciences sur la création, un souci pour la vérité et même un certain naturalisme, à l’opposé des corps effilés des peintres maniéristes. Une démarche moderne encouragée par ce monarque protecteur des arts et des sciences, que l’on découvre portraituré par Arcimboldo dans un amalgame de fruits.

Dès le début de l’exposition, le dialogue entre arts et sciences apparaît clairement dans les miniatures peintes par Joris Hoefnagel, de petits bijoux de précision représentant mollusques, oiseaux et crustacés. L’entreprise artistique se mêle ici au développement récent de l’histoire naturelle : au-dessus de chaque créature flotte un petit chiffre orange qui renvoie à une légende, faisant de ces miniatures des outils de connaissance et de classification du vivant, autant que de petits chefs-d’œuvre.

L’attrait pour la connaissance et l’observation transparaît dans chaque objet du parcours : les tableaux en marqueterie de pierre représentant un paysage praguois, réalisés avec des roches retrouvées autour de la capitale ; les paysages capturés en extérieur par les artistes, immortalisant des sujets aussi banals qu’un château d’eau ou un camp de bûcherons ; les coupes en pierre du sculpteur Ottavio Miseroni, qui abandonnent la symétrie pour créer des formes organiques.

La présentation de cette entreprise artistico-scientifique est portée par des choix de muséographie et scénographie forts : montrer peu d’objets, et les individualiser chacun, sous une cloche ou sur les cimaises, pour en faire une expérience singulière. L’évocation de la Kunstkammer (équivalent du studiolo, cabinet d’étude de l’humaniste) de Rodolphe II proposé par le scénographe du Louvre, Juan-Felipe Alarcon, souligne aussi l’idée d’un monde qui s’organise peu à peu par la science, et appuie la volonté de faire de chaque objet un spectacle. Un parcours au propos historique important, mais dont les concepteurs n’ont pas oublié le mot « plaisir ».

« L’expérience de la nature. Les arts à Prague à la cour de Rodolphe II »,
jusqu’au 30 juin, Le Louvre, place du Carrousel, 75001 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°656 du 23 mai 2025, avec le titre suivant : L’art et la science à la cour de Rodolphe II

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