XXe-XXIe siècles - « Rendre visible » – cette formule de Paul Klee (1879-1940), qui donne son titre à l’exposition, est devenue l’un des mantras de l’art moderne.
Mais que signifie réellement cette phrase, souvent associée à l’abstraction ? Klee cherche-t-il à rendre visible l’invisible dans un sens religieux, celui d’une révélation ? Assurément pas. Il conviendrait plutôt de parler de « l’invu » : tout ce que l’œil humain ne perçoit pas directement. Pour Klee, comme pour Hans Reichel (1892-1958) – artiste encore largement méconnu en France –, il s’agit avant tout du processus organique : la germination et la croissance propres à la nature. Tous deux possèdent un don rare, celui d’inventer des formes inédites, des expressions condensées d’une poésie à la fois personnelle et universelle. Dotés de ce que l’on pourrait appeler un œil intérieur, ils osent explorer des territoires restés jusqu’ici inaccessibles. Sans insistance, leurs images résonnent avec la nature. Leurs œuvres ne se ressemblent pas, et pourtant ce qui les unit est plus fort que ce qui les distingue : Klee, Croissance (1921), Reichel, Le Jardin chaotique (1928). Si ce dernier s’inspire de Klee, il parvient néanmoins à trouver une mélodie discrète qui lui est propre. Deux jeunes artistes contemporains accompagnent leurs aînés. Anne-Charlotte Finel (née en 1986) présente deux vidéos, dont l’une met en scène un paysage luxuriant : un mini-jardin enfoui dans une station du métro parisien, sur lequel le regard des usagers ne s’arrête plus (Jardins, 2017). Julien Discrit (né en 1978) explore les processus biologiques à travers des techniques variées. Sa sculpture Pierre, Re-member 2 (2021) figure une main tenant un fossile qu’il a lui-même façonné : une sorte de télescopage entre passé lointain et archéologie du futur. D’autres fossiles, issus de collections du musée, enrichissent une scénographie élégante. On regrette toutefois le déséquilibre – dû probablement à des difficultés d’obtenir des prêts – entre les œuvres de Reichel, au nombre d’une soixantaine, et les sept pièces de Klee.
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La poésie du visible
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°787 du 1 juillet 2025, avec le titre suivant : La poésie du visible





