Art contemporain

Joseph Beuys, faits et gestes d’un mythe

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 408 mots

En matière de création artistique, Beuys est à la seconde moitié du XXe siècle ce que Duchamp est à la première : un véritable mythe. 

Tous deux ont bouleversé les traditions et les usages d’un art fondé sur le principe de la mimesis pour lui substituer les faits et gestes d’un art d’attitude. Né à Krefeld en 1921, mort à Düsseldorf en 1986, Joseph Beuys est le parangon de l’artiste créateur dont la vie est à l’écho de son œuvre. D’origine modeste, embrigadé dès l’âge de dix-sept ans dans les jeunesses hitlériennes, mobilisé deux ans plus tard, pilote de bombardier dans la Luftwaffe affecté sur le front russe pendant la Seconde Guerre mondiale, il est gravement blessé lors du crash de son avion en Crimée. Recueilli par une tribu de Tatars, sauvé par eux grâce à l’emploi de feutre et de graisse, Beuys qui ne s’engage dans la voie artistique qu’à la fin des années 1940 y quête les moyens d’une véritable rédemption.

Si les dessins, les actions et les environnements dont son œuvre se constitue sanctionnent la fonction cathartique qu’il prête à l’art, les emprunts et les références avoués aux traditions les plus diverses dont elle se nourrit – du christianisme au chamanisme en passant par tous les mythes et légendes nordiques, le romantisme allemand et l’anthroposophie de Rudolf Steiner – en sont les vecteurs. Fondée sur le concept de « sculpture sociale », la démarche de Beuys repose sur une théorie somme toute idéaliste de l’œuvre d’art totale fonctionnant comme modèle de développement de la société. En cela, Beuys a exercé une influence considérable sur les générations qui l’ont immédiatement suivi d’autant plus fortement qu’il s’est engagé sur le terrain d’une esthétique politique en se rangeant aux côtés des Verts. Le mérite d’une institution comme le Kunstmuseum de Bâle et plus particulièrement du directeur de son cabinet d’estampes, Dieter Koeppelin, en poste de 1966 à 1999, est d’avoir très tôt perçu l’importance de l’artiste et acquis dès 1969 un très grand nombre de ses œuvres. Ce sont elles que présente l’exposition « Joseph Beuys à Bâle », non seulement dessins et gravures mais aussi toutes sortes de pièces très fragiles, rarement sorties de leurs cartons, et qui sont autant de traces et de reliques des actes d’un artiste qu’auréole une irrésistible vénération.

« Joseph Beuys à Bâle », BÂLE (Suisse), Museum für Gegenwartskunst, St. Alban-Rheinweg 60, tél. 00 41 61 272 81 83, 13 décembre-21 mars.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Joseph Beuys, faits et gestes d’un mythe

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