Photographie

Erwin Blumenfeld de Paris à New York

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2022 - 688 mots

PARIS

Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme met l’accent sur la période 1930-1950 de la carrière professionnelle et artistique du photographe de mode.

Erwin Blumenfeld, Bijoux Boucheron pour Vogue, Paris, 1939. © The Estate Erwin Blumenfeld
Erwin Blumenfeld, Bijoux Boucheron pour Vogue, Paris, 1939.
© The Estate Erwin Blumenfeld

Paris. Le Jeu de paume a été la première institution en France à présenter, en 2013, les diverses facettes de l’œuvre d’Erwin Blumenfeld, de Berlin, la ville de sa naissance (en 1897), au New York des années 1940 à 1960 (il mourra en 1969 à Rome) en passant par Paris. Neuf ans plus tard, l’exposition du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme choisit de se concentrer sur les années 1930-1950 et présente un récit plus intime et introspectif, riche en inédits en provenance de la collection de la famille Blumenfeld. Ces inédits élargissent la vision que l’on pouvait avoir de la création artistique d’Erwin Blumenfeld, célèbre pour ses photomontages, expérimentations et photographies de mode. Le visiteur découvre ainsi ce voyage à Arles qu’il entreprend en 1928 depuis Amsterdam avec son épouse, Léna Citroen, voyage au cours duquel il photographie des gitans venus en pèlerinage aux Saintes-Marie-de-la-Mer. On retrouvera cette approche documentaire, nouvelle pour lui, vingt ans plus tard, dans un reportage en noir et blanc réalisé en 1947 sur les danses sacrées des habitants de San Ildefonso au Nouveau-Mexique. Il est alors un des photographes de mode les plus prisés, notamment pour son traitement de la couleur si particulier.

À Paris, des années déterminantes

Tout aussi méconnus sont les liens d’amitié que Blumenfeld a entretenus à Paris avec l’anthropologue Henri Lehmann, à partir de 1937, soit un an après son installation dans la capitale, et qui le conduiront à collaborer avec le Musée d’ethnographie du Trocadéro, futur Musée de l’Homme, et à rencontrer Michel Leiris et Georges-Henri Rivière. Son internement dans des camps en France à partir de 1940, puis au Maroc avec son épouse et leurs trois enfants, est, lui, relaté pour la première fois en détail. Dans son autobiographie, Blumenfeld décrit les violences, menaces et humiliations que subirent les internés, et les peurs et difficultés multiples auxquelles sa famille fut confrontée jusqu’à l’embarquement sur un navire en partance pour New York. Ces événements sont évoqués sobrement au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à l’aide de photos de famille, correspondances et documents administratifs. « Je croyais être victime d’une hallucination collective, ni la France ni moi nous ne pouvions tomber si bas », écrit-il dans Jadis et Daguerre, son autobiographie (publiée en 1975 chez Robert Laffont et rééditée cette année par Actes Sud).

Avant guerre, les trois années passées en France ont été déterminantes dans son parcours, après celles vécues à Berlin et Amsterdam où, parallèlement à ses activités commerciales, il avait entrepris ses premières expérimentations photographiques, nourries des réflexions partagées avec l’avant-garde berlinoise et le mouvement Dada. De ces deux périodes, en Allemagne et aux Pays-Bas, l’exposition ne retient toutefois que deux ensembles (les portraits d’Hitler ou du « Minotaure » et le pèlerinage des gitans) pour illustrer les années 1936-1940, cœur de l’exposition, et conclure sur New York. Car c’est à Paris que Blumenfeld est devenu à 40 ans un photographe professionnel, qu’il a réalisé ses premières publications de mode et connu ses premiers succès dans les magazines Vogue et Harper’s Bazaar, avant que la guerre ne vienne bouleverser sa vie professionnelle et familiale. C’est aussi à Paris que les expérimentations ont pris de l’ampleur et se sont diversifiées, tant au niveau des portraits, autoportraits ou nus que de la prise de vue ou du tirage. Il les poursuivra à New York, en noir et blanc ou dans un répertoire couleur tonique.

« C’est Geneviève Rouault, fille du peintre Georges Rouault, qui a introduit mon grand-père dans le milieu de l’art parisien », rappelle Nadia Blumenfeld-Charbit, co-commissaire de l’exposition. Geneviève Rouault dont le visage photographié en 1937 introduit dès le début du parcours à une galerie de portraits de personnalités les plus diverses rencontrées à Paris, d’Henri Matisse ou Leonor Fini à Michel de Brunhoff, rédacteur en chef de Vogue Paris. Figurent également un autoportrait du photographe et une vue depuis la chambre de l’hôtel Celtic, rue d’Odessa, où il emménagea lors de son installation à Paris en janvier 1936, avant qu’épouse et enfants ne le rejoignent.

Les tribulations d’Erwin Blumenfeld. 1930-1950,
jusqu’au 13 octobre, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71, rue du Temple, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Erwin Blumenfeld de Paris à New York

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