Art contemporain

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Contes et légendes peuplent Chaumont-sur-Loire

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 27 août 2025 - 696 mots

C’est sur ces deux thèmes qu’une quinzaine d’artistes ont été conviés cette année à imaginer et à inscrire leurs œuvres dans les espaces du domaine.

Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). C’est une sculpture de Nicolas Alquin qui accueille cette année le visiteur de la Saison d’art. Atypique, elle est en marbre rose de Vérone alors qu’il travaille le plus souvent le bois et le bronze. Intitulée Le Rêve d’Arunachala, elle se compose de deux blocs, l’un évoquant un dormeur, l’autre une montagne en référence au rêve d’un sage indien, le Ramana Maharshi. Pour ce Socrate réfugié dans sa montagne d’Arunachala et qui répondait aux questions de ses visiteurs, la seule réalité que chacun pouvait ressentir se trouvait dans le sommeil ou la méditation profonde.

Tout un programme qui donne le ton, et même les tons, de cette 18e édition de la Saison d’art : l’allégorie de la légende, du conte (dans la foulée du Festival des jardins : « Il était une fois au jardin », qui se tient en même temps), et l’idée de la subtilité. Mais aussi le désir, comme tous les ans, de « mettre en avant des artistes jeunes ou d’autres plus âgés qui ne sont pas dans le mainstream », et sur lesquels Chantal Colleu-Dumond, la directrice du Domaine et commissaire des expositions, a « envie de donner un coup de projecteur ». Alquin coche effectivement toutes les cases. Stéphane Erouane Dumas aussi, qui, dans la clairière des lierres, a installé Les Âmes sœurs, une sculpture en bronze qui malgré ses 930 kg et 2 mètres de hauteur transforme la paroi rocheuse d’une falaise en dentelle pour en faire émerger deux figures.

Daniel Firman s’est de son côté souvenu que la princesse de Broglie (1857-1943), dernière propriétaire privée des lieux, s’était vu offrir en 1898 par le maharaja de Kapurthala une jeune éléphante du nom de Miss Pundgi (l’Inde encore). Sous l’auvent des écuries, l’artiste présente ainsi un éléphant en plastique et en impression 3D qu’il a mis cul par-dessus tête pour le dresser sur sa trompe et rappeler qu’un éléphant ça trompe ! Il fait cette année partie des artistes les plus reconnus – l’une des catégories de chaque édition de la Saison d’art – aux côtés de Miguel Chevalier. Ce dernier propose dans la galerie numérique du château un ballet végétal virtuel, généré par l’intelligence artificielle et projeté sur quatre écrans comme les quatre saisons. Dans ce registre des artistes renommés figurent aussi Anne et Patrick Poirier, lesquels ont accroché dans la tour de Diane un lustre à l’envers pourvu de bougies à ampoules et de couteaux ! De même Fabienne Verdier, qui a les honneurs des neuf grandes salles des galeries hautes du château. Elle y déploie ses lignes, son geste, son souffle (de l’air, de l’eau) avec notamment un ensemble de quatre triptyques sur toile, pensés pour le lieu, qui recouvrent tous les murs d’une salle comme pour l’enserrer.

Des architectures en apesanteur

Parmi les artistes plus jeunes, mais bénéficiant déjà d’une belle reconnaissance, Claire Trotignon fait ici une magnifique démonstration de la délicatesse avec laquelle elle compose ses œuvres, à l’aide de petits fragments qu’elle découpe dans des gravures ou dans ses propres dessins avant de les recoller ensemble pour évoquer des architectures en apesanteur. Elle révèle ici une œuvre immense et fascinante de 13 m de long spécialement réalisée pour l’occasion.

Cette grande finesse se retrouve dans les œuvres d’Olivier Leroi qui, dans la galerie basse de l’aile ouest, a accroché une cinquantaine de dessins, chacun réalisé à partir d’une plume d’un faisan, point de départ d’une sorte de cadavre exquis plein d’humour et de poésie. Ailleurs, dans les arbres du parc, le même a installé des miroirs dont les découpes permettent d’attraper des nuages ou refléter d’autres arbres. Ce sont également des milliers de plumes de paon qui composent un très étonnant tableau de Carole Solvay dans la galerie des écuries. Car à Chaumont, la subtilité naît aussi des rapprochements et des ponts créés entre les œuvres des 14 artistes de cette édition (parmi lesquels figure un couple, G&K, Katarzyna Kot et Stéphane Guiran) ainsi que de leur installation à leur « juste place », selon le mantra de Chantal Colleu-Dumond depuis presque vingt ans.

Saison d’art 2025,
jusqu’au 2 novembre, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature, 41150 Chaumont-sur-Loire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Contes et légendes peuplent Chaumont-sur-Loire

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