Art contemporain - Justice

Un artiste français poursuivi en justice pour ses tableaux de Tintin en compagnie de femmes

Par Charles Roumégou · lejournaldesarts.fr

Le 16 mars 2021 - 615 mots

RENNES

Les aventures romantiques du héros de bande dessinée déplaisent aux ayants droit du dessinateur belge.

Marabout, Nuit d'été, 2016, acrylique sur toile, 70 x 100 cm. © Marabout
Marabout, Nuit d'été, 2016, acrylique sur toile, 70 x 100 cm.
© Marabout

La société belge Moulinsart, représentante des ayants droit de l’auteur de bande dessinée Hergé, en charge notamment de l’exploitation commerciale de l’œuvre du dessinateur, poursuit devant la justice française l’artiste peintre Xavier Marabout pour contrefaçon et atteinte au droit moral. Elle lui reproche d’avoir utilisé, sans autorisation préalable, l’image des personnages issus des Aventures de Tintin dans sa production artistique.

L’objet du litige porte sur une série, intitulée Hergé-Hopper, composée de vingt-quatre toiles mettant en scène le reporteur belge dans des décors inspirés de l’univers du peintre américain Edward Hopper. Sur une moto, sous le pont du Queensboro de New York, dans un hôtel ou dans un diner américain, Tintin y est représenté en compagnie de jeunes femmes, souvent légèrement vêtues, lesquelles tombent sous son charme et adoptent des attitudes ou des positions suggestives.

Par exemple, dans Taxi pour noctambules, Xavier Marabout détourne la peinture Nighthawks (1942) d’Edward Hopper et installe, au comptoir du bar, le personnage de Tintin accompagné d’une pin-up déboutonnant son chemisier.

A travers ces détournements, « je me moque du personnage de Tintin qui présente la particularité d’évoluer dans un milieu dépourvu de femmes », explique Xavier Marabout au Journal des Arts. « J’ai eu envie de confronter Tintin à la femme, de faire tomber amoureux un héros que l’on présente et juge comme asexué », ajoute-t-il.

L'artiste peintre est un adepte de la fusion des univers artistiques qu’il présente comme « le fil rouge de son travail » : dans une série intitulée Tex Avery - Picasso, l’artiste fait se rencontrer des personnages iconiques du dessin animé des années 1940-1950 avec des femmes atteintes de cubisme, puis dans Super Héros - Art Nouveau, Batman et Albator côtoient les univers artistiques d’Alfons Mucha et de Gustav Klimt.

Ces mises en scènes, présentées par l’artiste comme « une critique de l’univers d’Hergé », ont suscité l’ire de la société Moulinsart : après une première mise en demeure en juin 2015, elle a finalement assigné Xavier Marabout devant la justice en 2017, lequel dénonce « le comportement de censure de puissant ».

« Je ne fais ni du Hergé, ni du Hopper mais bien du Marabout », objecte l’artiste pour contrer l’accusation de contrefaçon qui lui est faite, avant de revendiquer le « droit de chacun à se réapproprier sa propre culture ». Concernant l’atteinte au droit moral, l’artiste dit « être dans la parodie, la caricature laquelle constitue une exception au droit d’auteur », avant d’ajouter « être trop respectueux du travail d’Hergé et d’Hopper pour leur porter atteinte ».

Dans un entretien avec le journal Ouest-France, l’avocate de la société Moulinsart juge que « profiter de la notoriété d’un personnage pour le plonger dans un univers érotique n’a rien à voir avec l’humour », et d’ajouter « Hergé, interviewé de nombreuses fois, avait expliqué son choix de ne pas impliquer les femmes dans son œuvre, parce qu’il trouvait qu’elles sont rarement des éléments comiques ».

Devant le Tribunal de grande instance de Rennes, le 8 mars dernier, la société Moulinsart a réclamé 12 500 euros de dédommagement à l’artiste. Le jugement a été mis en délibéré, les parties au procès seront fixées sur leur sort le 10 mai prochain.

La société Moulinsart est une habituée des salles d’audience, elle n’hésite pas à ester en justice à la moindre utilisation prétendue frauduleuse de l’imagerie de Tintin. Ainsi, en mai 2019, un dessinateur rémois récidiviste avait été condamné à dix mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve pour avoir contrefait des œuvres du dessinateur belge. L’intéressé avait par ailleurs été condamné à verser 32 000 euros de dommages et intérêts à la société Moulinsart et à Fanny Vlamynck, détentrice des droits depuis la mort du dessinateur en 1983.
 

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