Art contemporain

Thomas Delamarre : « Nous observons un retour à l’usage de la main »

Par Alexia Lanta Maestrati · L'ŒIL

Le 25 avril 2019 - 527 mots

PARIS

La Fondation Cartier présente l’exposition « Jeunes Artistes en Europe. Les métamorphoses ». Quelle est la genèse du projet ?

Thomas Delamarre : Nous sommes partis du constat que la Fondation Cartier avait exploré des scènes géographiquement éloignées, qu’il s’agisse de l’art latino-américain avec notre dernière exposition « Géométries Sud, du Mexique à la Terre de Feu », ou de focus sur des artistes peu connus en Europe, comme l’architecte japonais Junya Ishigami. Mais nous n’avions jamais ausculté l’Europe ! Nous sommes donc partis prendre le pouls des jeunes artistes du continent, sans ligne directrice précise, mais avec la volonté de montrer des créateurs nés après les années 1980. Au final, nous avons sélectionné vingt et un artistes de seize pays différents, dont la plupart sont nés après la chute du mur de Berlin. Le titre « Les Métamorphoses » fait référence à un processus de création commun à ces artistes. Leurs esthétiques, souvent fragmentées, dévoilent un intérêt pour l’hybridation, le collage et l’archéologie.

Existe-t-il un art européen ? Quelles sont les tendances qui se dégagent chez les artistes travaillant sur le Vieux Continent ?

Nous avons remarqué, d’une part, que les préoccupations écologiques sont au cœur de certaines pratiques. Le recyclage des objets et des matériaux en constitue un élément central. D’autre part, parmi la grande richesse de médiums, vidéos, sculptures et installations, nous observons un retour à l’usage de la main, à la peinture, à la figuration, mais aussi à des savoir-faire comme la céramique ou la broderie. En commençant nos recherches, nous nous attendions à ce que le résultat soit une exposition tournée vers le digital et les nouvelles technologies. Ce sont des processus que l’on retrouve, mais souvent de façon inattendue. Par exemple, Elemental Cabinet, de Kostas Lambridis, mélange les techniques, certaines parties étant réalisées par une imprimante 3D, d’autres relevant d’un travail habile de marqueterie ou de céramique.

À un moment où l’Europe s’effrite, et où la médiatisation du Brexit est très forte, votre exposition apparaît comme une lueur d’espoir…

La création européenne comme un ensemble est peu médiatisée et, à notre connaissance, aucune exposition n’avait fait l’état des lieux de cette scène, pourtant animée d’un réel dynamisme. Nous avons été frappés par la mobilité des artistes. Ceux que nous avons rencontrés ont tous, à un moment donné, quitté leur pays d’origine, soit pendant leurs études, soit pour s’installer ailleurs. Leurs créations ne sont pas nécessairement le reflet de leur pays. Certaines œuvres sont en lien direct avec les crises européennes, comme l’installation de Kris Lemsalu qui évoque le sujet de la migration dans certains pays ; d’autres, en révélant une situation particulière, trouvent un écho universel. À l’instar de l’artiste suédoise Lap-See Lam qui retrace l’histoire de la diaspora chinoise sur trois générations.

Cartier 

La marque de luxe a créé en 1984, sur une suggestion de César, sa fondation d’art contemporain.

 

200
C’est le nombre d’artistes rencontrés sur près d’un millier de créateurs présélectionnés par l’équipe de la Fondation Cartier.

 

« Un des problèmes de l’Europe aujourd’hui est qu’il n’y pas d’espace pour les artistes pour échanger sur leur devenir et sur leur culture. C’est un trou noir de l’Union européenne », Rem Koolhaas, New York Times, 10/05/2018

Thomas Delamarre
est depuis 2013 commissaire d’expositions à la Fondation Cartier.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°723 du 1 mai 2019, avec le titre suivant : Thomas Delamarre : "Nous observons un retour à l’usage de la main"

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