Jonathan Vinel

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 21 mai 2019 - 555 mots

Comment s’est construit l’imaginaire d’une génération biberonnée aux jeux vidéo, bercée par le flux visuel que diffusent des écrans devenus omniprésents ? Le langage cinématographique de Jonathan Vinel fournit sans doute un élément de réponse.
« J’ai découvert son travail en lisant une interview de lui dans la revue Immersion, rapporte Thomas Delamarre, commissaire de l’exposition « Jeunes Artistes en Europe ». Jonathan est cinéaste, mais c’est aussi un vrai gameur ; il disait que ce sont les jeux vidéo qui lui ont donné « le goût de l‘errance ». Cette phrase, et la notion très contemporaine à laquelle elle renvoie, m’avaient frappé. » S’en est suivie une rencontre avec le réalisateur en herbe, très vite retenu pour figurer, avec Martin pleure (2017) dans la sélection qui compte au final vingt et un artistes issus de seize pays différents.
Les codes de la violence et du porno
Le trentenaire est, pour sa part, originaire de Bouloc, près de Toulouse, ainsi que le laisse deviner son accent du Sud-Ouest. Inscrit à la Femis pour y étudier le montage, il y a rencontré Caroline Poggi, avec laquelle il a cosigné Jessica Forever, sorti en salles le 1er mai. L’héroïne de ce premier long-métrage s’inspire d’un personnage du jeu Metal Gear Solid V. Pour Martin pleure, qu’il a écrit seul, c’est une fonction du jeu Grand Theft Auto V qu’a exploitée Jonathan Vinel : « Le mode réalisation », explique-t-il. Ce court métrage d’animation raconte en seize minutes l’histoire d’un adolescent constatant à son réveil que « tous (ses) amis ont disparu », et qui se met à leur recherche. Dans cet univers virtuel, la voix off pallie l’absence de dialogues, créant un effet de distanciation qui accentue le décalage entre le graphisme sommaire et l’expression d’une sensibilité fleur bleue. Le sentiment de déréliction se surimpose ainsi à une succession d’actions basiques, parfois brutales, du personnage principal, que l’on voit conduire une voiture, un bateau à moteur, se battre, agresser, être agressé, donner des coups de pied dans les meubles…Dans Tant qu’il nous reste des fusils à pompe, premier film court co-écrit avec Caroline Poggi et récompensé par un Ours d’or à la Berlinale, la perte et la violence se trouvaient aussi intimement liées. « La culture de notre génération s’est nourrie de films d’action, de rap, de jeux vidéo. Nous voulons reprendre ces codes et les réenchanter en y injectant de l’amour et du romantisme. » Quant à l’utilisation d’images préexistantes, Jonathan Vinel y avait déjà eu recours dans Notre héritage, son deuxième opus personnel, réalisé dans le cadre de son diplôme de fin d’études, dans lequel étaient enchâssées des séquences de casting pornographiques récupérées sur Internet. « Pour lui, toute image se vaut, il n’y a pas de hiérarchie : c’est assez conforme à l’expérience en ligne », souligne Thomas Delamarre. Un point de vue que revendique l’intéressé : « Je ne me demande pas si ces images sont bonnes ou mauvaises, mais comment on fait pour grandir avec les valeurs qu’elles véhiculent. J’essaie de m’en emparer autrement, plutôt que de les jeter à la poubelle. » Même s’il n’est pas donné à tout le monde de changer la boue en or.

1988
Naissance dans le Sud-Ouest de la France
2014
Obtient un Ours d’or à Berlin pour Tant qu’il nous reste des fusils à pompe
2019
Premier long métrage : Jessica Forever.
Participe à l’exposition « Jeunes Artistes en Europe » à la Fondation Cartier
« Jeunes Artistes en Europe, Les métamorphoses »,
jusqu’au 16 juin 2019. Fondation Cartier, 261, boulevard Raspail, Paris-14e. Tous les jours sauf le lundi de 11 h à 20 h, nocturne le mardi. Tarifs : 11,50 et 7,50 €. Commissaire : Thomas Delamarre. www.fondationcartier.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Jonathan Vinel

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