Fondation

Pinault puissance 4

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2009 - 552 mots

De Venise à Dinard, un déploiement spectaculaire.

VENISE – DINARD - Pendant longtemps, la collection de François Pinault a alimenté tous les fantasmes : tout le monde en parlait sans que personne ou presque ait pu en mesurer l’étendue. L’ouverture du Palazzo Grassi, reconfiguré par l’architecte japonais Tadao Ando, à Venise en 2006, avait permis d’en appréhender l’ampleur, parfois même jusqu’à la saturation, à l’exemple des salles où étaient présentés les Damien Hirst ou les Donald Judd. L’année 2009 marque indéniablement un tournant pour la présentation au public de cette collection, riche aujourd’hui de 2 500 œuvres. En mars, s’ouvrait à Moscou au Garage « Un certain état du monde », spectaculaire exposition d’art contemporain comme la capitale russe en avait rarement connue. Orchestrée par la commissaire d’exposition Caroline Bourgeois, la manifestation réunissait des pièces déjà vues à Lille en 2007, à l’exemple de l’exceptionnelle installation de Dan Flavin, mais aussi d’autres, comme les tentes de Mike Kelley et Paul McCarthy présentées à la Biennale de Lyon en 2003, une importante pièce de Chen Zhen, à côté des « fondamentaux » de la collection, comme Jeff Koons ou Maurizio Cattelan. La scène française n’était pas oubliée avec Philippe Parreno et Pierre Huyghe. Enfin, la projection de Grimonprez, traitant de la Guerre froide prenait un accent particulier à quelques kilomètres du Kremlin.

L’ouverture à Venise, début juin, de la Pointe de la Douane, également réaménagée par Tadao Ando pour un montant de 20 millions d’euros, marque une nouvelle étape pour le déploiement de la collection. Les murs de brique et de béton offrent ici un écrin particulier, éloigné du white cube, conférant un rapport étonnamment intime aux œuvres. Sur les 5 000 m2 du bâtiment a été réuni un ensemble muséal de travaux souvent récents, de Cy Twombly à Sigmar Polke. Les artistes sont représentés par plusieurs pièces, parfois exceptionnelles, comme pour les frères Chapman ou Mike Kelley. La scène française brille ici par son absence. Il faut traverser le Grand Canal et se rendre au Palazzo Grassi pour trouver quelques-uns de ses représentants. Avant, il aura fallu subir les tempo sonores et visuels affligeant de Piotr Uklanski. Parmi un choix d’un niveau très inférieur à ce qui est présenté à la Pointe de la Douane, se découvrent dans les étages des œuvres de Daniel Buren, Adel Abdessemed ou Martial Raysse.

On retrouve ce dernier au Palais des arts de Dinard où est réuni un important panorama de sa production, des années 1960 à aujourd’hui. Plus resserré, le choix breton, également orchestré par Caroline Bourgeois, est intime, sentiment accentué par l’épaisse moquette du sol qui confère à l’espace une atmosphère domestique. Cette coupe transversale de la collection Pinault en offre un échantillon de premier choix, d’un Achrome de Manzoni à un caisson lumineux de Jeff Wall, en passant par d’autres œuvres d’Adel Abdessemed ou une rare composition de Julie Mehretu.

Mais à Dinard comme ailleurs, le visiteur sera frappé par une obsession de la mort partout présente, du « crâne » de Sudboh Gupta, à Moscou, à ceux de Matthew Day Jackson à Venise ou à celui de Damien Hirst à Dinard. Comme le résume bien un néon de Claude Lévêque, « vous allez tous mourir ». En Bretagne comme ailleurs.

MAPPING THE STUDIO

Palazzo Grassi et Punta della Dogana, Venise (Italie), www.palazzograssi.it.

QUI A PEUR DES ARTISTES ?

jusqu’au 13 sept., Palais des arts, 2, boulevard Wilson, 35 800 Dinard, tlj 11h - 19h, vendredi 11h - 21h.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Pinault puissance 4

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque