Design - École d'art

École Duperré

Quand le textile fait sa révolution

Par Geneviève Gallot · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 797 mots

Une nouvelle génération de designers, formés en textile, relève les défis du futur. Portrait de trois des jeunes diplômées d’écoles d’arts appliqués et de design.

Le textile s’immisce partout. Dans la mode, l’habitat, le sport, mais aussi dans l’agriculture, la construction, l’automobile, l’aéronautique, l’armée, le monde médical… Et le textile peut contribuer à la sécurité, aider au bien-être et faciliter la vie quotidienne des jeunes comme des moins jeunes.

Aujourd’hui, le secteur textile se réinvente en conjuguant les ressources des nouvelles technologies aux exigences du développement durable. 25 % de la production textile européenne et 40 % de la production en France concernent désormais les textiles techniques et connectés (1).  Selon l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate), 80 milliards d’objets connectés sont attendus dans le monde à l’horizon 2020, et la France est reconnue pour être l’une des nations leader en ce domaine (2). Au-delà, les recherches glissent de la matière textile, souple et horizontale, à la matière vivante… De jeunes designers issus de l’École Duperré se confrontent avec passion à ces territoires.

Des textiles actifs…
Foyer reconnu pour sa créativité, son ouverture, ses formations professionnelles (mode, textile, graphisme, scénographie, céramique…), son esprit de transversalité et ses nombreux partenariats, Duperré est, avec l’Institut français de la mode (IFM), en tête du classement 2016 des écoles de mode établi par le mensuel L’Étudiant. Aurélie Mossé, 32 ans, est l’une de ses prometteuses diplômées. Après une formation en textile et matériaux à Duperré, puis un Master of Arts « Textile Futures » à la Central Saint Martins à Londres, filière créée en 2001 par Carole Collet, elle-même diplômée de l’École Duperré, professeure et directrice de recherche à la Saint Martins, la designer développe une thèse de doctorat sur les « textiles tectoniques » en lien avec la Saint Martins et l’Académie royale des beaux-arts-École d’architecture de Copenhague. Aujourd’hui, Aurélie Mossé travaille à la croisée du textile, de l’architecture et des technologies intelligentes en mettant la question du temps au centre de ses recherches. « Attention à la magie factice des nouvelles technologies !, prévient-elle. Il est indispensable de les ré-inscrire dans une relation à la planète, aux rythmes naturels, et d’en faire des éléments-clés pour un mode d’habitat plus résilient. » Aurélie Mossé crée ainsi des textiles actifs comme ce rideau qui change de forme avec la lumière, accumule l’énergie solaire et produit de l’électricité.

En combinant la fibre textile mécanique aux technologies numériques, nanotechnologies ou biotechnologies, les textiles intelligents peuvent détecter, stocker et transmettre des informations, agir et réagir selon divers types d’interactions entre le corps humain et son environnement. Dans ce contexte, la mode aussi se rêve connectée et intelligente. Claire Eliot, 27 ans, souhaite une intégration subtile de l’électronique dans le vêtement. « Il faut sortir du côté armure et science-fiction qu’offrent souvent les vêtements connectés, trop éloignés du langage sensible de la fibre textile. » À l’École Duperré où elle s’initie aux « vêtements génératifs », aux formes qui bougent, puis à l’Ensci (École nationale supérieure de création industrielle) dans le cadre de son post-diplôme autour du design numérique, Claire Eliot apprend à établir des ponts entre des univers distants. « Hussein Chalayan a marqué la scène de la création dans les années 2000 en introduisant des systèmes complexes dans ses vêtements. Mais ses pièces ne tenaient souvent que pour le défilé… » Aujourd’hui, loin de la « fast fashion », la jeune designer veut inventer une mode créative, durable, responsable. Par exemple, grâce à ses recherches autour de vêtements qui changent de couleur ou réagissent à l’énergie humaine.

… aux biomatériaux
D’autres innovations textiles touchent à la santé comme les vêtements biométriques qui enregistrent le rythme cardiaque ou la température des personnes âgées, ou ces biotextiles en maille qui servent à fabriquer des artères artificielles pour l’homme. Des recherches portent aussi sur les organismes vivants comme celles effectuées par Audrey Speyer, 27 ans. Lors de sa formation textile (BTS), puis de son Diplôme supérieur d’arts appliqués mode et environnement à Duperré, l’étudiante plonge dans la matière. « À Duperré, on est sans cesse dans l’expérimentation, on peut exprimer totalement sa créativité à travers les matériaux, c’est très épanouissant ! » Elle poursuit également ses études à la Saint Martins au sein du MA renommé « Material Futures » et, en 2016, imagine une « architecture vivante » au moyen d’algues et de champignons capables de filtrer l’air et d’éliminer les substances toxiques. La designer identifie alors plusieurs champignons à partir desquels elle monte le projet Purifungi dont le but est d’extraire les contaminants industriels des sols pollués. Pour déployer à grande échelle ce traitement naturel et peu coûteux, Audrey Speyer crée une capsule bio-dégradable qui tiendra lieu d’habitacle au champignon et l’aidera à se développer. Bientôt, elle lancera une start-up pour l’exploitation de son procédé. La révolution des matériaux est en route… !

Notes

(1) chiffres de l’Observatoire des textiles techniques (IFM).
(2) Nouvelle France Industrielle, 23 mai 2016, www.economie.gouv.fr/nouvelle- france-industrielle

Légende Photo

Audrey Speyer, Bio-Brique, techniques variées Central Saint Martins, Londres ©Audrey Speyer

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Quand le textile fait sa révolution

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