Enseignement

L’Institut Français de la Mode se réinvente

Par Geneviève Gallot · Le Journal des Arts

Le 6 mars 2018 - 1094 mots

PARIS

Paris, capitale de la mode, veille jalousement sur ses talents en herbe. Aussi l’Institut français de la mode s’est-il allié à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne pour permettre un modèle d’enseignement ambitieux à la Cité de la mode.

Atelier de l'Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne
Atelier de l'Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne
© ECSCP

Paris. Aujourd’hui, la part de l’industrie de la mode dans l’économie française est plus importante que celle de l’automobile ou de l’aéronautique (1)… « Paris est vraiment au cœur du business, mais aussi de la créativité. Je vois les jeunes créateurs, ils sont bourrés de talent et d’énergie, super-déterminés, on assiste à des réussites fulgurantes ! », souligne Nathalie Dufour, directrice de l’Association nationale de développement des arts de la mode. « Les directeurs artistiques des maisons sont aussi plus souvent français. » Olivier Rousteing chez Balmain, Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton, Hedi Slimane chez Céline, tous contribuent à la vitalité de l’Hexagone sur fond de rude concurrence. Et demain ? L’émergence de nouveaux talents sera essentielle et le rôle des écoles de mode françaises qui disposent de beaux atouts, à cet égard, sera majeur.

Selon l’enquête réalisée en 2017 par Business of Fashion, l’IFM (L’Institut français de la mode), qui offre deux voies, l’une en management, l’autre en création, se classe au premier rang mondial des formations en management de la mode, tandis que le London College of Fashion est en deuxième place. La Central Saint Martins de Londres s’impose à la première place des formations en création de mode (undergraduate et graduate). L’IFM prend la deuxième place pour sa formation en création (graduate). Des écoles américaines et belges sont également dans le peloton de tête. Bien placé, certes, mais confronté notamment aux puissantes écoles britanniques regroupées au sein de l’Université des arts de Londres qui investissent lourdement pour renforcer leur force de frappe, l’IFM doit préparer le futur. La Central Saint Martins se développe autour de Granary Square où elle dispose déjà de 30 000 m2 et accueille 5 000 étudiants, dont 500 en mode. Et le London Collège of Fashion doit regrouper en 2019 l’ensemble de ses formations, toutes consacrées à la mode, avec ses 5 000 étudiants, au sein du considérable Fashion Cluster qui sera créé dans le nouveau quartier culturel de l’Est de Londres, sur l’ancien site des Jeux olympiques, à Stratford Waterfront.

« Tout le monde regarde la Saint Martins ! Il y a de quoi. Ça rayonne ! Les étudiants jouissent d’une liberté extraordinaire, les choses les plus extravagantes sont possibles. À Paris, ça manque de cool… », lance Maxime Congost, 29 ans, diplômé de l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne (ECSCP), puis de l’IFM en section Création, aujourd’hui chargé de la création et du développement des accessoires de See By Chloé. Il salue toutefois la qualité de la formation de l’École de la chambre syndicale : « Le travail est très technique, dur, minutieux, précis. Mais nous apprenons des choses que les autres n’apprendront jamais ! Une école de patience et de passion. » Après les premières années d’études consacrées aux bases du vêtement, le chemisier, la jupe droite, le tailleur, le pantalon… le jeune designer développe des projets personnels en lien avec des marques comme Cartier ou des thèmes comme l’écriture automatique. Avec son projet de diplôme, en quatrième année, et grâce à des intervenants « géniaux » venus de chez Jimmy Choo ou Pierre Hardy, Maxime Congost s’enthousiasme pour les accessoires, chaussures et sacs, ce qui le conduit à choisir l’année suivante cette spécialisation à l’IFM. « Nous travaillons beaucoup avec les grandes marques à l’IFM, elles sont toutes là ! J’ai réalisé deux sacs pour Céline, non commercialisés, mais fabriqués dans leur usine à Florence. Avec mes deux formations, j’ai été recruté en CDI avant de finir l’IFM. » Astrid Dupuy, 25 ans, diplômée de l’ECSCP et aujourd’hui étudiante en création à l’IFM, confirme : « À l’École de la chambre syndicale, nous apprenons à coudre de manière parfaite, nous réfléchissons à la manière dont le vêtement doit être construit, fini, porté, nous exerçons notre œil. Avec le“moulage”, on parvient à passer du dessin à la toile, nous jouons avec la matière sur le mannequin… Après, à l’IFM, nous poussons à fond notre univers créatif ! »

Les deux écoles, toutes deux créées par la profession et qui d’évidence offrent des formations complémentaires, ont décidé de se réunir et de se réinventer ensemble à partir de 2019 dans le cadre d’un nouvel Institut français de la mode, tout entier installé à la Cité de la mode (lire JdA n° 494), qui accueillera 1 000 étudiants. « Notre mariage est naturel », déclare François Broca, directeur de l’École de la chambre syndicale. « Nos trois pôles d’excellence, la technique, la création et le management, ont intérêt à mieux s’articuler et à se féconder mutuellement. L’essentiel sera toujours que nos étudiants acquièrent la connaissance technique du produit et réalisent du concret, que le vêtement soit incarné. »

 

 

Une formation incomparable

Au-delà du regroupement des formations qui s’inscrit dans un mouvement général en France, le pari du futur établissement est d’offrir un modèle différent, unique, nourri par la synergie entre ces trois pôles et des enseignements culturels enrichis. « Notre projet pédagogique est à la fois vertical et horizontal », insiste Dominique Jacomet, directeur de l’Institut français de la mode. « Notre offre ira du CAP, qui existe aujourd’hui à l’École de la chambre syndicale, jusqu’au doctorat que proposent ensemble l’IFM et Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en passant par un bachelor en création de mode, un cycle de modélisme et plusieurs formations de niveau master, anglophones et francophones (fashion design avec cinq options, management de la mode et du luxe…) Nous souhaitons que les étudiants circulent entre les niveaux et les domaines de formation. Nous ne voulons pas de formation en silo. » Pour que l’ambition du projet s’accomplisse pleinement, le nouvel IFM devra aussi offrir à ses étudiants de nouveaux espaces, vastes, lumineux, bien équipés, un Fashion Lab à la pointe du numérique, une cantine, des horaires d’ouverture de l’école plus généreux… Afin de garantir la diversification sociale de ses étudiants, la remarquable politique de bourses de l’IFM devra encore se développer (42 % de boursiers en 2017). Enfin, il faudra que l’établissement obtienne les grades de bachelor et de master pour ses formations en création, ce que la réglementation actuelle lui interdit à cause de son statut d’école privée du domaine de la création. Maxime Congost conclut : « Paris doit absolument avoir une grande école de mode. Pas seulement des maisons prestigieuses. Il faudrait que le bâtiment entier de la Cité de la mode revienne au futur IFM ! »

(1) Voir Les Chiffres clés de la mode, IFM, 2016.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : L’Institut Français de la Mode se réinvente

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