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Les nouvelles formations de l’Institut français de la mode

Par Geneviève Gallot · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2021 - 1006 mots

Pour faire face aux mutations de la mode, à l’évolution des demandes et des comportements des consommateurs, l’Institut français de la mode envisage différemment ses formations. Un changement qui rencontre les préoccupations actuelles concernant l’écologie et le développement durable.

Sneakers Adidas Stan Smith, en partie fabriquées avec du plastique recyclé récolté sur les plages et dans les océans. © Adidas AG
Sneakers Adidas Stan Smith, en partie fabriquées avec du plastique recyclé récolté sur les plages et dans les océans.
© Adidas AG

S’il est un champ d’activité qui semble a priori avoir tout faux, c’est bien celui de la mode, prototype du renouvellement frénétique, avec sa cohorte de gaspillage, de pollution, de conditions de travail inacceptables et de flux d’argent immodérés. Pourtant, le secteur s’impose à tous pour sa part de beauté et de rêve. Et pèse dans la vie économique de manière considérable : en France, la mode générait en 2019 un chiffre d’affaires global de 150 milliards d’euros, soit 2,7 % du PIB, et était associée à près d’un million d’emplois. En 2020, malgré l’essor des ventes en ligne, le chiffre d’affaires a fléchi de 15 % par rapport à 2019 selon l’Institut français de la mode (IFM). Dans un tel contexte, et face à l’évolution des demandes et des pratiques, comment penser la mode, une mode à la fois désirable, audacieuse et éthique ? Avec ses nouvelles formations, l’Institut français de la mode (IFM) veut clairement « former pour transformer ».

Une vision à 360° du développement durable

La chaire Sustainability IFM – Kering a été créée en 2019 avec l’ambition d’installer un pôle de recherche et d’enseignement de haut niveau pour le secteur de la mode et du luxe afin que les 1 000 étudiants de l’IFM puissent acquérir, de manière transversale dans ses trois filières création, management et savoir-faire, ainsi que dans la formation continue destinée aux entreprises, une compréhension globale des enjeux du développement durable et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Andrée-Anne Lémieux, docteure en génie industriel et directrice de la chaire, le souligne : « Nous développons plusieurs approches au sein de la chaire. Avec le certificat en développement durable, nous proposons un programme totalement en anglais à trente-cinq étudiants, dont 50 % d’étrangers, aux profils très divers, pour leur donner les clés nécessaires sur le climat, la biodiversité ou la protection des océans, ainsi que sur toutes les étapes de la production d’un vêtement : choix des matières, éco-conception, contexte social, usage et fin de vie du produit. »

Giulia Manfroni, 35 ans, ingénieure en environnement, diplômée de l’École polytechnique de Milan, a ainsi choisi de suivre le certificat en même temps qu’un double master à l’IFM et à l’École nationale supérieure des arts et industries textiles de Roubaix. « Le certificat offre une expérience unique ! On bénéficie d’une large vision des acteurs majeurs de la mode responsable en France : entreprises, associations, fondations, ONG, start-up, comme Arkéma qui développe des biopolymères à partir de l’huile de ricin ou Circle Sportswear spécialisé dans les vêtements de sport éco-responsables. Aujourd’hui, je me sens beaucoup mieux armée pour accompagner les différents métiers de la mode chez Balenciaga où j’effectue mon master en alternance au sein de l’équipe RSE. »

Également espace de recherche, la chaire Sustainability fournit à Mathilde Asseman, 26 ans, formée en sciences sociales et politiques, en environnement et énergie, un cadre à son doctorat en gestion, conduit avec la maison Chloé grâce à un contrat Cifre (convention industrielle de formation), en lien avec l’IFM et le Conservatoire national des arts et métiers. Son sujet de recherche ? L’intégration stratégique de la RSE en entreprise avec la mise au point, chez Chloé, d’un outil de mesure et de pilotage de l’impact social d’un produit, depuis sa conception jusqu’à sa vente. Pour la doctorante, « les grands groupes doivent jouer un rôle moteur dans la recherche et l’innovation. Et dans la responsabilisation ! »

Agréger les savoirs sur la mode

Diplômée en sciences politiques et relations internationales ainsi qu’en sociologie des institutions politiques, Adèle Mémier, 27 ans, réfléchit, quant à elle, à l’engagement social et politique des maisons de mode dans le cadre du parcours doctoral « Théories et pratiques de la mode », lancé en 2017 par l’IFM et l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Dans le cadre de sa thèse « Maisons de haute couture comme actrices de l’espace public ? », la doctorante interroge la capacité de ces maisons à proposer des contre-espaces, des hétérotopies au sens où l’entendait Michel Foucault, « ces espaces différents qui sont la contestation des espaces où nous vivons ». « Aujourd’hui, quand on pense haute couture, on pense à Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de Dior, et à son féminisme. Même s’il y a une stratégie marketing derrière le discours et la mise en spectacle, le concept est dédiabolisé et la cause progresse. N’est-ce pas l’essentiel ? », conclut la doctorante.

Offrant un cadre institutionnel spécifique, le parcours doctoral est consacré à des recherches pluridisciplinaires sur la mode. « La mode a pu être l’objet d’un certain mépris de la part de l’université en France qui ne la reconnaît pas comme une discipline académique. Mais notre parcours permet de considérer l’objet “mode” sous le prisme de nombreuses disciplines, donnant lieu à des travaux très différents selon que l’on inscrit ses recherches en histoire de l’art, philosophie, anthropologie ou gestion. Ce qui en fait la richesse », observe Olivier Assouly, philosophe, responsable de la recherche à l’IFM.

C’est ainsi que Maximilien N’Tary-Calaffard, 46 ans, consultant en marketing et doctorant à l’IFM, prépare en partenariat avec la Columbia Business School aux États-Unis, la première thèse en marketing consacrée à « l’influence digitale [sic] dans le processus d’achat des produits de mode », notamment des sneakers. « Les sneakers sont devenues des accessoires de mode et même des œuvres d’art pour certains. Désormais, les marques créent la rareté avec des chaussures en édition limitée dont les prix s’envolent à la revente. En avril 2021, les Nike Air Yeezy de Kanye West ont été vendues 1,8 million de dollars [1,5 M€] à une plateforme d’investissement spécialisée après que le rappeur est passé chez Adidas pour un contrat supérieur à 30 millions de dollars annuels ! », rapporte-t-il. Dans le même temps, Adidas lance des sneakers à base de mycélium et affiche l’objectif d’une chaîne de production entièrement écologique… Le pari de Maximilien N’Tary-Calaffard : gagner en expertise pour gagner en influence.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : Les nouvelles formations de l’Institut français de la mode

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