Entretien

Bruno Gaudichon

« Il y a de l’enthousiasme »

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 18 juin 2008 - 687 mots

Habituée aux places d’honneur, La Piscine de Roubaix est le premier grand musée de région du palmarès 2008. Son directeur, Bruno Gaudichon, commente les raisons de ce succès.

L’œil : On imagine que cette cinquième place vous ravit ?
Bruno Gaudichon : Oui bien sûr, mais je suis surtout content pour les équipes du musée et, plus encore, pour les habitants de Roubaix. Cela renvoie une image flatteuse de leur ville, et va sans doute jouer sur le regard que l’on porte désormais sur Roubaix.

L’œil : Une augmentation de 36 % de visiteurs, c’est largement plus que la moyenne nationale.
B.G. : Nous avons refait les calculs car nous étions les premiers surpris. Tout dépend de la programmation des expositions temporaires. En 2007, Chagall a fait plus 80 000 entrées. C’est le deuxième score après les céramiques de Picasso (120 000 entrées). Mais en 2006 nous n’avions pas de « grand nom ».

L’œil : À l’inverse des grands musées parisiens, seuls 20 % de vos visiteurs sont des touristes.
B.G. : À l’origine, le musée a été conçu pour un public de proximité. Et même si de plus en plus de touristes viennent nous voir, nous continuons le travail avec le public local. C’est un musée d’Art et d’Industrie. Les gens se retrouvent dans « leur » bâtiment, la vie sociétale de l’époque. Ils nous disent que ça leur ressemble et qu’ils en sont fiers.

L’œil : En revanche, vous organisez autant d’expositions que le Louvre...
B.G. : C’est le principe même du musée. Nous avons une collection honorable, mais sans chef-d’œuvre. Alors nous organisons beaucoup d’expositions. Et puis l’équipe aime bien être dans l’activité. Il y a toujours de l’enthousiasme, malgré des journées de 32 heures ! Moi-même, j’y consacre plus de 50 % de mon temps.

L’œil : Comment arrivez-vous à financer ces expositions ?
B.G. : Nous faisons appel au mécénat qui représente plus de 20 % des budgets. Nous avons constitué un club des entreprises mécènes qui compte aujourd’hui cinquante adhérents qui nous accompagnent dans toutes nos aventures, suivant un engagement initié par la banque Scalbert Dupont. Elles y trouvent un intérêt en organisant des soirées dans ce lieu convivial.
Je voudrais aussi souligner que la Ville nous restitue l’intégralité des fonds privés que nous récupérons. Ce n’est pas si fréquent parmi les municipalités, et c’est évidemment très motivant.

L’œil : Avez-vous envisagé la gratuité de l’entrée ?
B.G. : Non car nous avons besoin de ces ressources. En revanche, les Roubaisiens peuvent bénéficier d’une carte annuelle gratuite qui leur donne accès aux collections permanentes. 2 000 habitants en profitent. Par ailleurs, l’entrée est gratuite aux moins de 18 ans, aux chômeurs, etc.

L’œil : Que feriez-vous si votre budget était multiplié par dix ?
B.G. : Nous organiserions plus d’expositions prestigieuses, et je donnerais plus de moyens aux équipes. Nous pourrions aussi plus facilement voyager pour négocier des prêts. J’ai toujours des scrupules pour expliquer aux élus que je dois aller plusieurs fois à New York pour obtenir des œuvres. Et pourtant, aujourd’hui, la notoriété de nos collections ne suffit plus dans les négociations, le contact avec les prêteurs est indispensable. Et puis nous achèterions quelques œuvres fortes pour « muscler » la collection.

L’œil : Quelle est la clef de la réussite de La Piscine ?
B.G. : Il y a plusieurs clefs bien sûr, mais je voudrais mettre en évidence la confiance de l’équipe municipale qui ne s’est jamais démentie. Le maire ne manque aucun vernissage, il est hyperdisponible et cela change tout.

Méthodologie du palmarès des musées

L’enquête est réalisée par questionnaire auto-administré auprès des musées d’Art en France. 370 musées non fermés ont répondu. Le classement général est déterminé par 69 critères objectifs (oui/non et données quantitatives), pondérés par un coefficient de 1 à 3. Ils sont regroupés en 3 catégories qui forment elles-mêmes 3 sous-classements. Le classement « Accueil » évalue les conditions d’accueil du public : librairie, audioguides, accès handicapé, tarifs... Le classement « Intérêt » détermine l’attractivité du musée à l’égard du public : nombre d’œuvres exposées, fréquentation, expositions temporaires... Le classement « Conservation » mesure les activités scientifiques : inventaire, récolement, restauration...

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°604 du 1 juillet 2008, avec le titre suivant : Bruno Gaudichon

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