Société

À San Francisco, controverse sur le caractère discriminant de fresques

Par Antonin Gratien · lejournaldesarts.fr

Le 10 juillet 2019 - 410 mots

SAN FRANCISCO / ETATS-UNIS

La ville a décidé de recouvrir une fresque non politiquement correcte. Un collectif s’y oppose.

Détail d'une des fresques de Victor Arnautoff (1896-1979) controversées à San Francisco représentant un cadavre de natif américain. © Photo Dick Evans
Détail d'une des fresques de Victor Arnautoff (1896-1979) controversées à San Francisco représentant un cadavre de natif américain.
© Dick Evans

Quelque 400 artistes et universitaires ont signé une lettre ouverte, le 2 juillet, pour protester contre la décision « outrageante » du conseil d’éducation de San Francisco de masquer des murs d’un lycée plusieurs peintures à qui certains reprochent de glorifier le passé trouble des Etats-Unis. Selon les signataires, loin d’être apologétiques, ces tableaux poseraient un regard critique sur l’histoire fondatrice du pays.

Les œuvres avaient été réalisées par l’artiste et professeur d’origine russe Victor Arnautoff en 1936, à la suite d’une commande publique. Les 13 fresques relatent plusieurs épisodes de la vie de George Washington. Une des fresques dépeint le travail forcé des esclaves dans la ferme du premier président des Etats-Unis, une autre le piétinement par des colons de cadavres d’amérindiens.

Durant plusieurs décennies, ces deux fresques ont divisé l’opinion, entre ceux qui y voient un outil pédagogique de valeur artistique à conserver, et ceux qui jugent cette iconographie inadaptée dans un lieu éducatif. En cause, la violence des représentations qui auraient choqué plusieurs élèves et conduit une famille à porter plainte auprès de l’établissement.

Le débat a été tranché le 25 juin dernier par le conseil d’éducation de la ville de San Francisco. À l’unanimité, ses représentants ont voté pour le recouvrement de l’ensemble des muraux.

Cette résolution a entraîné la mobilisation d’activistes américains qui ont signé une lettre ouverte adressée au comité, et publiée début juillet dans un journal universitaire en ligne : Nonsite.

Les protestataires déplorent un choix unilatéral n’ayant pas envisagé la possibilité d’une « contextualisation », grâce à des textes de médiation, d’œuvres dont ils rappellent la valeur artistique. 

L’un des arguments des partisans du retrait des tableaux consistait à soutenir que ceux-ci faisaient l’éloge aveugle de l’histoire pionnière des Etats-Unis. À ce sujet, les signataires de la lettre sont formels : « l’œuvre dénonce l’histoire discriminatoire et colonialiste du pays […] le comité a décidé la destruction d’un monument emblématique de l’antiracisme ».

Un « grossier non-sens » dont ils réclament la révision immédiate tout en invitant le conseil à organiser, à la place, des cours sur les fresques « en tant que production artistique, mais aussi comme ressource documentaire ».

Si la lettre ouverte ne trouve pas d’écho, les peintures murales seront recouvertes d’ici deux ans par une couche de peinture ou des panneaux. Le coût de l’opération est estimé entre 600 000 et 850 000 dollars, puisés dans les fonds publics.

Une des fresques de Victor Arnautoff (1896-1979) controversées à San Francisco représentant un cadavre de natif américain. © Photo Dick Evans
Une des fresques de Victor Arnautoff (1896-1979) controversées à San Francisco représentant un cadavre de natif américain.
© Photo Dick Evans

Thématiques

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque