Espagne - Restitutions

Saint-Jacques-de-Compostelle récupère deux statues volées par Franco

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 30 juin 2025 - 505 mots

Appropriées par la famille du dictateur, deux sculptures du maître Mateo reviennent à leur propriétaire légitime, après huit ans de procédure.

Le portique de la Gloire de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle, sculpté par Maestro Mateo. © Exif, 2006, CC BY-SA 3.0
Le portique de la Gloire de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, sculpté par Maestro Mateo.
© Exif, 2006

Après huit années de procédure, la Cour suprême espagnole a ordonné, en juin 2025, la restitution des statues polychromes représentant Isaac et Abraham à la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle. La décision met fin au litige qui opposait la municipalité aux héritiers de Francisco Franco, lesquels avaient prêté les œuvres au Musée du Prado en 2016, révélant ainsi leur localisation.

En octobre 2017, la mairie avait exigé le retour des sculptures dans un délai de quinze jours, faute de quoi elle annonçait une action en justice. Après le décès de Carmen Franco Polo en décembre 2017, les sept héritiers se sont partagé les biens familiaux, dont les statues. Le premier jugement, en 2018, invitait les ayants droit à produire la preuve d’une acquisition régulière ; aucun document n’a été versé au dossier. La décision de la Cour suprême réaffirme les droits de la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle et insiste sur la nécessité d’une traçabilité documentée dans toute revendication de propriété.

Les juges ont retenu l’argumentaire de la municipalité, fondé sur la provenance des œuvres : exécutées entre 1168 et 1188 dans l’atelier du maître Mateo pour le portique de la Gloire de la cathédrale, les statues furent déplacées au fil des restaurations. En 1933, elles se trouvaient au domicile du comte de Ximonde, qui les vendit en 1948 à la ville, avec une clause interdisant tout transfert hors de la commune.

En 1954, lors d’une visite officielle, Carmen Polo, épouse du dictateur, remarqua les pièces et les fit envoyer discrètement au palais de Meirás, résidence d’été du couple, avec l’aide du maire de l’époque. Selon Emilio Silva, président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH), cet épisode s’inscrit dans une pratique plus large de spoliations opérées par la famille Franco : « les bijoutiers de Madrid devaient être préparés car lorsque l'épouse de Franco venait, elle prenait ce qu'elle voulait et ne payait jamais rien. » Ils se sont considérablement enrichis durant le règne du dictateur. Le palais de Meirás avait aussi été attribué à Franco par le gouvernement de manière détournée.

Le Service de défense du patrimoine artistique national, créé par le régime en 1938 pour récupérer les biens déplacés pendant la guerre civile, a également détourné de nombreuses œuvres vers des collections publiques ou privées ; l’historien Arturo Colorado Castellary estime à 8 710 le nombre de pièces concernées.

Adoptée en 2022, la loi de Mémoire démocratique offre un cadre pour la restitution des biens saisis sous le franquisme. Mise à part la récupération des statues Isaac et Abraham et, en 2020, du palais de Meirás, les initiatives restent limitées : le ministère de la Culture a rendu un portrait de Francisco Giner de los Ríos à la fondation du même nom, tandis que le Cabildo de Grande Canarie a restitué cinq tableaux à la famille de l’ancien maire de Madrid Pedro Rico. Il faut toutefois séparer les spoliations orchestrées par l’État de celles organisées par la famille du dictateur.

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