Rima Abdul Malak évoque son rapport à la création dans les fonctions qu’elle a occupées jusqu’ici, et revient sur le rapport de Martin Bethenod axé sur le soutien à la scène française.

Avant son retour au Liban à la direction du groupe de presse L’Orient-Le Jour, Rima Abdul Malak présidera le jury de l’un des Prix du festival Planches Contact, programmé à Deauville du 18 octobre au 4 janvier 2026.
D’abord parce que Philippe Augier, le maire de Deauville, a une politique culturelle extrêmement forte. On parle beaucoup du désengagement des collectivités vis-à-vis de la culture. Alors quand des maires s’engagent avant autant d’ambition, cela mérite d’être soutenu et valorisé. Aussi, le duo des nouveaux directeurs, Lionel Charrier et Jonas Tebib, est formidable. Cela me semblait important de soutenir cette nouvelle dynamique. Et surtout, ce festival tient une place particulière dans le paysage français, pour son soutien à la jeune création et ses résidences sur le temps long. Dans une époque de zapping permanent d’images qui saturent l’attention, on a besoin d’un festival de cette qualité pour réapprendre à regarder le monde.
La découverte. Le temps du festival permet de s’extraire de sa routine quotidienne et d’être en immersion. Cette ambiance crée une sensibilité, une écoute, une curiosité, génère des réflexions, des émotions et des rencontres. Évidemment, quand j’étais ministre [de la Culture, mai 2022-janv. 2024], le protocole rendait l’agenda moins propice à cet état d’ouverture. Pour autant, j’arrivais à prendre le temps de regarder les œuvres à mon rythme, d’échanger avec les artistes. Ces moments étaient toujours inspirants.
Un festival est un catalyseur. La dimension événementielle crée un brassage des publics qui viennent de partout. C’est une émulation collective, pour les festivaliers, les artistes comme les professionnels. C’est une force culturelle, poétique et humaine qui réenchante une ville, mais n’oublions pas que c’est aussi une force économique, avec des retombées très importantes pour toute une région : hôtels, restaurants, commerces, emplois directs et indirects…
Je ne sais pas s’il faut leur imposer un quota avec des pourcentages – je pense que l’enjeu est suffisamment partagé –, mais il faut en effet se soucier de cette représentation, en sachant que lorsqu’on dit « scène française » – Martin Bethenod le précise bien dans son rapport –, il s’agit de tous les artistes qui résident en France, pas uniquement de ceux qui ont la nationalité française. La force de la France a toujours été d’accueillir des artistes du monde entier et de donner à voir la création étrangère. On ne peut pas renoncer à ce dialogue permanent entre les créateurs d’ici et d’ailleurs. Mais un rééquilibrage est nécessaire pour que les artistes vivant en France ne soient pas minoritaires dans certaines programmations.
De beaux efforts ont été faits et ont porté leurs fruits. Quand j’étais attachée culturelle à New York [de 2014 à 2018], j’ai relancé le fonds Étant donnés que Martin Bethenod cite dans son rapport comme un « exemple d’efficacité ». Le fonds s’est structuré autour de trois axes : 1/ des résidences longues (amplifiées ensuite avec la Villa Albertine) ; 2/ des voyages de commissaires d’exposition américains en France ; 3/ un soutien aux expositions. Je me souviens par exemple d’une commissaire de Dallas qui avait découvert le travail d’Anne Le Troter au Salon de Montrouge où on l’avait emmenée : Anne Le Troter avait pu faire ensuite une résidence à Dallas qui avait débouché un an après sur une exposition au Nasher Sculpture Center [Dallas, Texas]. Les trois leviers du fonds Étant donnés [pour l’art contemporain] avaient été activés. Donc je rejoins l’analyse de Martin Bethenod sur la nécessité de moins saupoudrer et d’assumer des choix stratégiques en les tenant sur la durée. Mais il faut aussi que les artistes eux-mêmes aient ce désir de passer du temps dans un autre pays. Aux États-Unis, territoire très vaste qui reste l’épicentre du marché de l’art, il faut des immersions longues, pouvoir se frotter à la scène artistique du pays, y créer des liens durables. Les artistes qui ont percé aux États Unis, comme Pierre Huyghe, Philippe Parreno ou Guillaume Bresson, ont fait le choix d’y passer du temps.
Je ne m’attendais pas à cette proposition, mais je l’ai acceptée avec enthousiasme car elle est à la croisée de tous mes engagements. C’est aussi un retour aux sources, même si je vais continuer à venir régulièrement en France. La presse est en crise partout dans le monde, les fake news [fausses informations] se propagent toujours plus vite et le Proche-Orient est à feu et à sang. Mais c’est justement maintenant que le combat pour l’information est si important à mener. Sans information, aucune cause ne peut avancer, ni la science, ni la santé, ni la paix, ni la justice, ni aucun progrès humain. J’ai toujours défendu la nécessité de préserver une information fiable, libre, pluraliste. C’est ce même engagement qui se poursuit à travers un journal [L’Orient-Le Jour] qui a 100 ans d’histoire, 1,5 million de lecteurs à travers le monde, une indépendance et une ligne éditoriale à laquelle j’adhère complètement, unique dans la région.
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Rima Abdul Malak : « Il faut se soucier de la représentation des artistes vivant en France »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Rima Abdul Malak, ancienne ministre de la Culture : « Il faut se soucier de la représentation des artistes vivant en France »






