Diplomatie culturelle

Que sont les futurs centres culturels franco-allemands ?

Par Frédéric Therin, correspondant à Munich · lejournaldesarts.fr

Le 29 janvier 2019 - 782 mots

AACHEN / ALLEMAGNE

Paris et Berlin vont créer quatre instituts culturels binationaux. Un projet majeur préparé dans le plus grand secret.

L’annonce est passée presque inaperçue lors de la signature, le 22 janvier dernier, du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle mais elle représente pourtant un tournant majeur dans la politique de collaboration culturelle entre les deux voisins. Ce texte, qui s’appuie sur le socle fondateur du Traité de l’Élysée de 1963, lequel a largement contribué à la réconciliation historique entre la France et l’Allemagne, prévoit la création de quatre instituts culturels franco-allemands  à Rio-de-Janeiro (Brésil), Palerme (Italie), Erbil (Iraq) et Bichkek (Kirghizistan) ainsi que la colocalisation de cinq instituts français et allemands à Cordoba (Argentine), Atlanta (Etats-Unis), Glasgow (Ecosse), Minsk (Biélorussie) et Ramallah (Cisjordanie). 

Ce projet est le fruit d’un long travail de préparation effectué dans le plus grand secret… « Tout est parti de la réunion du conseil des ministres franco-allemands du 13 juillet 2017 lorsqu’ils nous ont demandé de réfléchir à la création de centres culturels franco-allemands, révèle Laurence Auer, la directrice de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. L’annonce du Traité d’Aix-la-Chapelle est donc le résultat de dix-huit mois de travail durant lesquels nous avons rencontré très, très fréquemment les dirigeants du Goethe Institute 

Cette alliance n’allait en effet pas de soi même si les relations entre Paris et Berlin sont excellentes. « La France et l’Allemagne partagent un intérêt commun dans leurs projets culturels, souligne Laurence Auer. Nos deux pays souhaitent diffuser le même message et promouvoir la diversité culturelle et le multilinguisme mais les instituts français n’ont pas du tout le même fonctionnement que les instituts Goethe. » Les premiers dépendent en effet du ministère des Affaires étrangères alors que les seconds appartiennent à une institution indépendante basée à Munich. Des liens avaient pourtant déjà été tissés entre les deux organisations.

A Ramallah en Cisjordanie, le centre culturel franco-allemand possède depuis quatre ans deux directeurs de chaque nationalité mais sa programmation est unique et son site sur la Toile précise bien sa double identité. « Le projet de Ramallah a été lancé lorsque j’étais directeur régional de l’institut au Caire au début des années 2000, raconte Johannes Ebert, le secrétaire général des Instituts Goethe. Mais cela fait vingt ans que nous coopérons avec les Français sur différents types de programmes. Cette antériorité a permis de créer de la confiance entre nous et c’est grâce à cela que nous avons pu imaginer fonder des centres culturels franco-allemands. On ne peut pas partir de zéro sur ce type de projet… »
 
Le site de Ramallah ainsi que ceux de Cordoba, Atlanta, Glasgow et Minsk vont donc devenir prochainement des instituts français et allemands « colocalisés ». En clair, ces centres seront abrités dans le même bâtiment mais leurs directions et leurs programmations seront distinctes. Les quatre instituts culturels franco-allemands à Rio, Palerme, Erbil et Bichkek seront, eux, comme leur nom l’indique, pilotés par une seule et même personne et leur programmation sera unique.

Cette initiative pourrait marquer le début d’une coopération culturelle encore plus ambitieuse entre la France et l’Allemagne. « Le projet (annoncé à Aix-la-Chapelle) est symbolique et fort et nous espérons que les quatre instituts franco-allemands qui vont être crées donneront l’exemple et inspireront d’autres instituts à suivre leur modèle, explique Laurence Auer qui a été ambassadrice de France en Macédoine de 2013 à 2016 et porte-parole adjointe de la Présidence de la République de juin 2003 à septembre 2006 lors du second mandat de Jacques Chirac. Il existe beaucoup d’autres endroits dans lesquels nous pourrions ouvrir des instituts franco-allemands. Nous serions plus forts si nous étions unis. » Avec 97 Instituts français et 160 Instituts Goethe présents sur les cinq continents, d’autres « mariages » sont en effet tout à fait envisageables.

Paris et Berlin souhaiteraient également que ces centres binationaux puissent abriter des programmes encore plus ambitieux qui impliqueraient d’autres partenaires européens. Johannes Ebert ne cache pas cet objectif. « Nous partageons déjà un immeuble avec les Italiens à Lyon et à Strasbourg, note le secrétaire général des Instituts Goethe. A Kiev en Ukraine, nous sommes dans les mêmes locaux que les Britanniques et à Stockholm en Suède, nous sommes avec les Espagnols. Notre coopération avec les Français pourrait donc être ouverte à d’autres institutions européennes mais je ne veux pas me précipiter. Ouvrons déjà les premiers centres franco-allemands, faisons un premier bilan et imaginons ensuite si nous pouvons développer des projets à l’échelle européenne. Nous souhaitons que cette nouvelle étape de notre coopération culturelle avec les Français soit un succès. » 

Cette initiative qui va sans doute laisser indifférents de nombreux eurosceptiques est pourtant d’une portée considérable.

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