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Plus de femmes aux commandes des musées suisses

SUISSE

Les récentes nominations de femmes à la tête des musées s’inscrivent dans une tendance plus équilibrée, mais encore perfectible, en matière d’égalité des chances.

Ann Demeester et Kabelo Malatsie © Jacqueline de Haas © VANSA
Ann Demeester et Kabelo Malatsie.
© Jacqueline de Haas © VANSA

Suisse. La Suisse célèbre cette année les 50 ans du droit de vote fédéral des femmes ; et pour certains observateurs, la moisson estivale des nominations féminines aux directions de musées suisses peut donc se lire comme une illustration de l’avancée en matière d’égalité des chances.

Ainsi, au Kunsthaus de Zurich qui ouvre les portes de son extension au public début octobre, l’historienne d’art flamande, Ann Demeester, a été choisie lors d’une compétition presque exclusivement féminine pour remplacer, au 1er janvier 2023, l’Allemand Christoph Becker qui quitte l’institution après 20 ans de loyaux services. Première femme à diriger l’institution zurichoise, l’ancienne directrice du Frans Hals Museum de Haarlem vient rejoindre Nina Zimmer, la directrice du Musée d’art de Berne et du Centre Paul-Klee, à la tête des grands musées d’art suisses.

La Kunsthalle de Berne, institution artistique dont la bonne réputation remonte à son ancien directeur, le commissaire Harald Szeeman, et à ses expositions remarquables dans les années 1960, est en quête d’un nouveau souffle. Le centre d’art regagnera-t-il en visibilité avec l’arrivée de Kabelo Malatsie à sa tête en avril 2022 ? La commissaire sud-africaine, directrice du Visual Arts Network of South Africa a été, ces dernières années, une personnalité en vue dans le monde des arts en Afrique australe. D’autres exemples encore : l’arrivée récente de l’historienne Denise Tonella à la tête du Musée national suisse à Zurich ou de la commissaire indépendante Daphné Panchaud au Centre pour la photographie de Genève.

Une parité hommes / femmes en trompe-l’œil

Et pourtant, ne faut-il pas y voir un arbre qui cache la forêt ? C’est ce que laisse entendre une étude publiée en juin dernier par le Centre d’études sur le genre de l’université de Bâle, à la demande de la fondation culturelle « Pro Helvetia » : alors que 60 % du commissariat des expositions sont assurés par des femmes, seuls 34,5 % des postes de direction et de gestion des institutions artistiques helvétiques leur sont confiés. Une situation étonnamment en retard sur la France, si l’on compare ces données avec les chiffres français de l’Observatoire pour l’égalité entre hommes et femmes dans la culture (62 % de directrices des centres d’art ou 43 % pour des directrices de musées nationaux, en 2020).

Cette étude préliminaire est pionnière en Suisse car, jusqu’à présent, les données manquaient pour décrire la situation – et ni l’Office fédéral des statistiques, ni l’Office fédéral de la culture n’avaient encore travaillé sur la question. Si les institutions de Suisse alémanique pourraient sembler, à première vue, plus enclines à placer des femmes aux postes de direction qu’en Romandie, le sociologue de la culture à l’université de Lausanne, Olivier Moeschler, note que « la différenciation se fait moins par région linguistique que par le type – et donc le prestige – de l’institution. Ainsi, un comptage effectué en 2019 en Suisse romande montrait à première vue, assez étonnamment, une large parité hommes / femmes à la tête des musées romands (sur 45 institutions artistiques, 25 étaient dirigées par des femmes). Mais à y regarder de plus près, on constatait que les institutions les plus prestigieuses (beaux-arts, art contemporain notamment) et/ou les plus grandes étaient plutôt entre des mains masculines. Les institutions plus périphériques que ce soit géographiquement et/ou artistiquement, revenaient souvent aux femmes, comme les arts décoratifs, le dessin, la gravure et, encore aujourd’hui, la photo. »

Opérer une double révolution

Le vent semble pourtant tourner dans le pays : l’amélioration de l’égalité des chances dans le secteur culturel figure parmi les objectifs de la politique culturelle de la Confédération pour les années 2021-2024. « Le monde de l’art ne peut plus se fermer à certaines évolutions de la société en général », constate Olivier Moeschler, « d’autant que les femmes pourraient jouer sur leur avantage stratégique d’être souvent perçues comme étant plus proches de l’émotion, de l’esthétique et de l’expérience vécue, toutes choses qui caractérisent précisément l’art. À noter que l’on serait là toutefois dans les clichés que l’on souhaite peut-être précisément dépasser : l’égalité devrait se faire à ce niveau-là également. Le monde de l’art a ainsi, comme la société en général, une double révolution à faire à cet égard, au niveau des pratiques mais aussi des représentations. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°574 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : Plus de femmes aux commandes des musées suisses

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