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POLITIQUE CULTURELLE

Pass culture : les premiers retours des utilisateurs

Par Chloé Demoulin · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2019 - 981 mots

FRANCE

Les 5 000 bénéficiaires du Pass culture en phase d’expérimentation depuis deux mois semblent privilégier la musique et les livres. Le patrimoine est bon dernier.

Concert de musique © Photo Danny Howe
L’offre musicale sous toutes ses formes est largement plébiscitée par les jeunes bénéficiaires du Pass culture
© Photo Danny Howe

« Sans le Pass culture, je n’aurais pas été voir l’exposition Vasarely », confie Idir, habitant du Raincy, en Seine-Saint-Denis. Étudiant en prépa HEC, ce jeune homme de 18 ans se voyait mal débourser 11 euros, le tarif proposé aux 18-25 ans par le Centre Pompidou. Mais il a pu s’offrir un billet en piochant dans le crédit virtuel de 500 euros mis à sa disposition par le ministère de la Culture. Comme lui, 5 000 jeunes sur les 10 000 expérimentateurs sélectionnés ont activé leur Pass culture depuis le 1er février 2019 dans cinq départements : en Seine-Saint-Denis, dans le Bas-Rhin, le Finistère, l’Hérault et la Guyane.

Destiné à « accroître » et à « diversifier les pratiques culturelles des jeunes», le Pass culture se présente sous la forme d’une application mobile. Audiovisuel, spectacle vivant, livres, musique, jeux, musées ou encore activités artistiques : les acteurs culturels peuvent y référencer leurs offres. « Cela va du petit libraire à de très gros acteurs plus industriels », précise Clémence Chalopet, chargée de déploiement en Seine-Saint-Denis. Face à un carrousel de propositions, parfois géolocalisées, les jeunes n’ont plus qu’à faire leur choix.

Après deux mois d’expérimentation, plusieurs tendances commencent à émerger. La musique arrive en tête des offres les plus prisées. « Cela inclut à la fois le spectacle vivant et les abonnements à des offres en ligne », précise Éric Garandeau, copilote de la mission au ministère de la Culture. Dans l’Hérault, par exemple, de nombreux jeunes – parmi les 1 200 qui ont activé leur Pass culture – se sont rués sur des places pour le Yung Fest, festival de musique urbaine organisé du 11 au 14 avril à Montpellier, avec en tête d’affiche le rappeur français Vald. Beaucoup d’utilisateurs se sont également servis de leur pass pour s’abonner à la plateforme de musique illimitée Deezer ou regarder des vidéos musicales à la demande. La retransmission par Arte TV d’un concert du rappeur belge Roméo Elvis à l’Olympia a notamment cartonné.

Les livres, puis le cinéma

Les livres arrivent en deuxième position avec des « commandes assez variées, ça peut aussi bien être Michelle Obama que Jean Giono », relève Éric Garandeau. « J’ai acheté des romans et des essais politiques », détaille Xavier, 18 ans, étudiant en droit à Montpellier. Les jeunes expérimentateurs peuvent aussi faire remonter leurs desiderata aux développeurs du pass. « J’ai demandé si certains livres scolaires pouvaient être ajoutés », témoigne Idir.

Sur la troisième marche du podium, on retrouve le cinéma, avec des offres pourtant limitées. Car tous les films à l’affiche et toutes les séances ne sont pas référencés. « On a demandé aux acteurs culturels de sélectionner des programmations de qualité. Cela colle à l’esprit du pass tel qu’il a été pensé pour diversifier les pratiques », rappelle Clémence Chalopet. L’Écran, le cinéma d’art et d’essai de Saint-Denis, propose par exemple certains films de ses cycles thématiques.

Viennent ensuite, en quatrième position, les jeux vidéos, puis la presse en ligne. « Contrairement à certaines idées reçues, tous les jeunes ne se précipitent pas que sur le numérique. [Ce dernier] représente 60 % des offres consommées », tient à préciser Éric Garandeau. Tous départements confondus, de jeunes expérimentateurs ont en effet utilisé leur pass pour réserver une place de théâtre. Une activité culturelle que beaucoup d’entre eux jugeaient jusqu’ici inaccessible financièrement. C’est le cas de Mahé, 19 ans, en formation à la propreté forestière à Bédarieux, à 45 kilomètres de Montpellier. « J’ai vu une pièce appelée Cent mètre papillon sur un maître nageur, c’était très marrant », raconte-t-il. Même constat pour Yasmine, 18 ans, habitante du Bourget. « Le théâtre, je trouvais ça trop cher mais avec le Pass culture, ça devient intéressant », estime-t-elle. En première année de licence en Lettres édition médias et audiovisuel à la Sorbonne, la jeune femme, débordée par ses cours et un petit boulot pour arrondir ses fins de mois, attendra toutefois les grandes vacances. Elle a réservé une place en juillet pour Le Misanthropeà la Comédie française.

En Seine-Saint-Denis, où 1 500 jeunes ont activé leur pass, d’autres expérimentateurs ont déjà vu Le Postillon de Longjumeau, joué début avril à l’Opéra Comique. « Plusieurs d’entre eux ont eu la possibilité d’aller voir les artistes en loge avant le spectacle ou d’assister aux répétitions », souligne Clémence Chapolet.

Le Pass culture semble aussi créer un effet d’aubaine pour les jeunes qui avaient déjà l’habitude d’aller au théâtre. « Pour moi, c’est que du bonus », confirme Romain, 19 ans, habitant d’Épinay-sur-Seine, qui « courait » auparavant après les tarifs jeunes proposés par les théâtres.

Gros bémol, les musées et le patrimoine arrivent bons derniers, « tout en bas de l’échelle », constate Éric Garandeau. Pour l’expliquer, le copilote de la mission invoque la gratuité déjà offerte aux jeunes par plusieurs grands musées et monuments nationaux. « Les offres événementielles marchent bien, comme les nocturnes du Louvre ou les soirées spéciales du Quai Branly et du Musée d’Orsay », tempère Clémence Chalopet. À cela s’ajoute également un frein structurel lié à la nécessité pour les acteurs culturels de référencer eux-mêmes leurs offres sur le Pass Culture. « Les monuments privés ne sont pas encore tous référencés, car ils sont très nombreux », précise Éric Garandeau. Le ministère de la Culture insiste sur le fait que toutes ces données sont à prendre « avec précaution » compte tenu de l’échantillon encore faible de jeunes ayant activé leur pass.

Autre tendance, pour l’heure, les jeunes expérimentateurs font un usage parcimonieux du crédit de 500 euros qui leur a été alloué pour un an. En moyenne, ils n’ont en effet jeté leur dévolu que sur deux à trois offres pour un montant total allant de 20 à 40 euros environ, à moins d’avoir souscrit à des abonnements qui peuvent se révéler plus onéreux. « Cinq cents euros, c’est énorme ! s’exclame Yasmine. D’autant que beaucoup d’offres sont à 5 ou 15 euros ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Pass Culture : les premiers retours des utilisateurs

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