POLITIQUE CULTURELLE

New York produit son premier « plan culture »

Par Shahzad Abdul (correspondant à Washington) · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 791 mots

L’égalité et la diversité sont les deux priorités essentielles de ce programme, tourné vers les populations défavorisées et les minorités.

Le maire de New York, Bill de Blasio
Le maire de New York, Bill de Blasio
Photo Rob Bennett
© Office of Mayor

New York. C’est un paradoxe comme seule New York peut en produire. La capitale économique des États-Unis dépense plus que n’importe quelle autre ville américaine ou plus que tout État fédéré dans le domaine de la culture, elle tient en son cœur le plus grand musée du pays, le Metropolitan Museum of Art (Met), mais n’avait jamais produit jusqu’à cet été aucun texte traçant clairement une stratégie en la matière. La « grosse pomme » a présenté fin juillet, à trois mois de l’élection municipale, le premier plan culturel de son histoire, « pour tous les New-Yorkais »:« CreateNYC : A Cultural Plan for All New Yorkers ».

Le rapport de 180 pages énonce deux priorités. La première, réorienter la politique culturelle vers les quartiers les plus défavorisés dans les cinq districts (Manhattan, Brooklyn, le Queens, le Bronx et Staten Island) et pousser les musées les plus prisés de la ville à s’ouvrir davantage aux plus pauvres. « Nous devons regarder la culture en termes de bénéfices pour les New-Yorkais qui résident dans cette ville fantastique », explique Arnold Lehman, membre du comité qui a rédigé le rapport. « Le défi étant que tout le monde n’en reçoit pas une part égale […] parce qu’au fil des décennies une sorte d’élitisme s’est associée à la culture et il n’y a pas eu une approche pour la ville entière », ajoute l’ancien directeur du Brooklyn Museum, déplorant la pauvreté de l’offre culturelle dans des quartiers comme le Bronx et sa concentration, à l’inverse, sur Manhattan. C’est dans ce « district » huppé que se trouvent les musées les plus réputés du pays, du Met au MoMA (Museum of Modern Art) en passant par le Guggenheim. « Il y a beaucoup de personnes à New York qui, pour différentes raisons, estiment que toutes ces attractions et toutes ces institutions ne sont pas pour elles, ou hésitent à y aller, abonde Jimmy Van Bramer, conseiller municipal. Nous avons l’obligation d’abaisser ces barrières et de mettre le doigt sur les écarts et les inégalités. »
 

Un plan résolument social

Le deuxième grand axe prôné par ce plan – qui n’a pas été chiffré – est de promouvoir la diversité. L’objectif peut paraître consensuel mais le maire de New York, Bill de Blasio, qui fait campagne pour un nouveau mandat sur le thème de l’équité, a annoncé des mesures qui font grincer des dents, en particulier dans les grands musées. Les financements apportés par la Ville seront désormais corrélés au niveau de diversité existant parmi les employés et membres des conseils d’administration – des milieux très blancs – des institutions comme des organismes culturels. Pour l’instant, a toutefois rassuré M. de Blasio, les financements restent inchangés ; on ignore à partir de quand les mesures seront appliquées. « Cela sera un facteur dans les décisions de financement par la Ville à l’avenir », a simplement déclaré le maire lors de la présentation, précisant que son administration collectera ces données et demandera aux institutions concernées d’émettre des « objectifs sérieux » en matière de diversité. Lui-même s’est bien abstenu d’en donner, mais il a assuré que quelque 26 % des employés des organisations culturelles new-yorkaises étaient issus des minorités : « Nous avons un long chemin à parcourir », a-t-il déploré.

Pas moins de 200 000 New-Yorkais ont été interrogés pour les besoins du rapport. Près de trois sur quatre (72 %) affirment qu’ils participeraient davantage à des activités culturelles si elles étaient proposées à proximité de leur domicile.

Le plan résolument social offre également des services de traduction pour les organismes culturels, un soutien financier direct aux artistes issus des communautés les plus défavorisées ou encore de nouveaux fonds pour les travailleurs handicapés de ce secteur. Par ailleurs, la Ville se propose d’aider les institutions artistiques à faire baisser leurs émissions de gaz carbonique, un des rares objectifs individuels chiffrés : 25 millions de dollars.

New York n’a pas évalué le coût de ce programme, qui devrait faire grimper la facture culturelle de la Ville, dont le département culture dépense déjà plus (188 millions de dollars [157,5 M€] pour l’année fiscale 2018) que l’agence fédérale qui gère cette politique, le NEA (National Endowment for the Arts).

Mais qu’importe l’argent injecté, le plan oublie de s’attaquer aux véritables problèmes auxquels les artistes font face, à commencer par la crise du logement, regrette Jenny Dubnau, une des artistes auteures du « People’s Cultural Plan », un projet alternatif à celui de la municipalité. « Notre plus grand problème est ce que le plan ne fait pas, lance-t-elle. Il ne fait pas de recommandations pour répondre à la gentrification qui affecte les plus pauvres, les minorités et qui touche durement les artistes ainsi que les organisations artistiques. » Gentrification qui concerne principalement Manhattan.

 

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Le maire de New York, Bill de Blasio © Photo Rob Bennett / Office of Mayor

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : New York produit son premier « plan culture »

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