Spécial Covid-19 - Société

Musées et galeries russes face à un déconfinement trop précoce

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 1 mai 2020 - 629 mots

RUSSIE

Très affecté par la crise, le monde des arts en Russie est très peu soutenu par les pouvoirs publics.

Le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg. © Photo PeakPx
Le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg.
Photo PeakPx

En Russie, le pic de l'épidémie va coïncider avec le déconfinement. C'est du moins ce qu'annonce le président Vladimir Poutine, qui a ordonné mardi 28 avril une « sortie par étape » du régime de confinement à partir du 12 mai « selon la situation épidémiologique »

Les autorités russes reconnaissent que le pic reste à venir, tandis que les chiffres officiels suggèrent une sorte de plateau avec pas loin de 6 000 nouveaux cas par jour. La Russie compte 1 000 décès du Covid-19 et un total de 100 000 personnes contaminées. Ces chiffres sont cependant controversés, car les tests pratiqués en Russie sont très peu fiables et parce que des dizaines de témoignages de médecins sur les réseaux sociaux indiquent une propension des autorités à classer les décès dus au Covid-19 sous d'autres pathologies pour sauver les autorités de l'embarras. 

Vladimir Poutine ne cesse en effet de répéter que « l'épidémie est sous contrôle », que l'État russe s'en sort mieux que les autres et que le système de santé s'est considérablement amélioré depuis la réforme récente. En outre, la Russie livre depuis deux mois du matériel médical (masques, respirateurs, etc.) à plusieurs dizaines de pays (dont la France, l'Italie et les États-Unis) alors que ce même matériel manque cruellement dans les hôpitaux de province. L'image internationale du président russe reste une priorité par rapport à la santé publique domestique. Des poursuites judiciaires attendent ceux qui osent publiquement contester la version officielle de la gestion de l'épidémie.

Le monde de la Culture attend avec impatience les mesures d'aides promises par l'État, qui n'existent pour l'instant que sous forme de promesses. Les musées publics et privés sont fermés depuis mi-mars, suivis par les galeries d'art. Même chose pour les théâtres et les salles de cinéma. 

Les pertes financières des musées semblent déjà énormes si l'on en croit le directeur de l'Ermitage Mikhaïl Piotrovski, qui parle déjà de « la moitié du budget annuel ». Et les recettes des prochains mois n'engagent pas à l'optimisme. Ainsi, confrontés à un déconfinement probablement prématuré alors que l'épidémie poursuit ses ravages, certains musées prévoient de limiter fortement l'afflux des visiteurs, comme le Tsarskoïe Selo (résidence impériale près de Saint-Pétersbourg, plus de 4 millions de visiteurs par an), dont la directrice a d'ores et déjà décidé de diviser par trois les entrées. 

La semaine dernière, la ministre de la Culture Olga Lioubimova a annoncé une prise en charge des pertes des musées d'État dans un délai de trois mois. « Aujourd'hui le ministère travaille à établir le volume du financement, pour combler le manque à gagner des institutions culturelles d'État », explique-t-elle dans un communiqué de presse. 

Rien n'est prévu pour aider les musées privés, qui se sont multipliés ces dernières années jusqu'à atteindre le chiffre de 560. Certaines institutions privées non-commerciales peuvent se tourner vers les aides du Fonds de bienfaisance Vladimir Potanine (The Vladimir Potanin Foundation). L'homme le plus riche de Russie (19,7 milliards de dollars selon le magazine Forbes) a annoncé dès le 23 mars un don d'un milliard de roubles (12,4 millions d'euros) pour soutenir les organisations non-commerciales culturelles et sociales du pays.

Chez les galeristes, les appels à l'aide se multiplient. 16 d'entre eux se sont rangés derrière Egor Altman (Altmans Gallery) pour demander le 7 avril au Premier ministre russe un soutien du secteur. Lundi 27 avril, un autre galeriste russe, Sergueï Popov (également historien d'art et commissaire d'exposition réputé) a rédigé une lettre ouverte à l'intention de la ministre de la Culture, pour lui rappeler la nécessité pour les musées régionaux d'acquérir des oeuvres d'art contemporain précisément aujourd'hui, alors que le marché russe est au point mort. Aucune de ces initiatives n’a trouvé un écho auprès des autorités.
 

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