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Crimée

L’Unesco conteste la légitimité russe sur Chersonèse

Refusant l’annexion de la Crimée par la Russie, l’Unesco ne reconnaît pas la légalité des autorités russes sur le site archéologique investi d’une forte valeur symbolique.

MOSCOU - L’Unesco ne reconnaît pas à la Russie la propriété du site archéologique de Chersonèse, classé en 2013 au Patrimoine mondial de l’Unesco. C’est la représentante russe auprès de l’Unesco, Eleonora Mitrofanova, qui a reconnu l’existence du problème jeudi 25 février. « L’Unesco n’accepte pas les rapports officiels de la Fédération de Russie », a-t-elle indiqué à l’agence russe Interfax. Mais la représentante russe auprès de l’organisation espère qu’un compromis sera trouvé. Le directeur de Chersonèse pourrait envoyer directement ses rapports aux experts de l’Unesco, sans passer par la voie officielle.

Depuis son annexion musclée par la Russie en mars 2014, la péninsule de Crimée ne cesse d’être agitée par des remous politiques, qui n’épargnent pas la sphère culturelle. L’Ukraine revendique la Crimée comme une partie inaliénable de sa souveraineté. L’Organisation des Nations unies (ONU), dont dépend l’Unesco, s’est rangée derrière Kiev. Les autorités russes, qui considèrent l’annexion comme légale et irréversible, ont réagi avec dépit. « Les scientifiques désirant étudier les pièces antiques de Chersonèse devront demander une autorisation aux autorités russes », a aussitôt déclaré le gouverneur de Sébastopol Sergueï Menyaïlo.
 
« Mont Athos russe »
« Les documents établis sous d’autres juridictions ne donnent pas accès au site. Ils vont s’agiter un peu dans le vide, se calmer, et changeront leur point de vue », a menacé le gouverneur, dans des propos rapportés par son porte-parole Kirill Moskalenko. L’ex-amiral Menyaïlo s’est déjà distingué sur le dossier Chersonèse, dont il veut faire un « Mont Athos russe ». Il a déjà démis de ses fonctions l’ancien directeur du site, Andreï Koulaguin, l’été dernier pour le remplacer par un évêque orthodoxe, déclenchant au passage une levée de boucliers parmi les conservateurs de musées. Menyaïlo emboîte le pas au président Poutine, qui a déclaré peu après l’annexion de la Crimée, que Chersonèse possède une « signification civilisationnelle et sacrée [pour les Russes], comme le mont du Temple à Jérusalem pour les musulmans et les juifs ».

Fondée vers 600 avant notre ère par des colons grecs, la cité s’est enrichie grâce au commerce avec les Scythes, puis passe sous le contrôle des Romains. Chersonèse compte également des ruines byzantines, celles de deux forts médiévaux et une cathédrale orthodoxe. C’est sur ce site que le grand prince de Kiev, Vladimir, a demandé le baptême en 988, avec pour conséquence la christianisation des Slaves. Passée sous le contrôle des Ottomans au XVe siècle, Chersonèse tombe progressivement en ruines.

L’annexion russe a aussi mis un point d’arrêt aux demandes ukrainiennes à l’inscription d’autres sites au registre du patrimoine mondial de l’Unesco. Il s’agit du palace du Khan de Bakhtchisaraï, de la forteresse génoise de Soudak et des cités troglodytes de Mangup-Kale et d’Eski-Kermen.

Légende photo

Le site antique de Chersonèse, Ukraine. © Unesco

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : L’Unesco conteste la légitimité russe sur Chersonèse

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