Musée

DISPARITION DE JACQUES CHIRAC

Les quatre Louvre du Président

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 3 octobre 2019 - 571 mots

PARIS

Le Louvre lui doit beaucoup, du pavillon des Sessions, aux Arts de l’islam, en passant par Lens et Abu Dhabi.

Paris. Printemps 1985 : le projet d’une pyramide conçue pour la cour Napoléon du Musée du Louvre, par l’architecte Ieoh Ming Pei, défraye la chronique, divise les politiques et les Parisiens. Le Grand Louvre est le grand projet muséal de François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995. Jacques Chirac est maire de Paris depuis 1977, et l’un des principaux adversaires politiques du président socialiste. Alors que les anti-Pyramides s’organisent, le maire n’a toujours pas donné son avis. Il prend son temps ; il a demandé une simulation grandeur nature avant de se prononcer : « Mais elle est toute petite ! », s’exclame-t-il devant l’armature montée à la hâte début mai, désamorçant toute polémique. L’animal politique s’était effacé au profit de l’amateur éclairé. En 1997, deux ans après son entrée à l’Élysée, Jacques Chirac inaugure la dernière phase du Grand Louvre, en l’absence de François Mitterrand, décédé un an plus tôt.

Il faudra attendre l’an 2000 pour que le Président imprime réellement sa marque au Louvre et provoque une révolution : il choisit le musée pour abriter le pavillon des Sessions, préfiguration, puis antenne pérenne du futur Quai Branly. Conseillé par Jacques Kerchache, le Président bouscule les habitudes et les modes de pensée des conservateurs du Louvre en imposant un choix de cent vingt œuvres extra-occidentales, rognant au passage sur le périmètre du Cabinet des dessins, au grand dam de Pierre Rosenberg, président-directeur de l’institution.

« Je me souviens encore des débats que nous avons eus à ce propos. De cette confrontation de deux visions d’un grand musée parisien ; pour vous, le musée de référence dans ses domaines traditionnels, d’une richesse exhaustive : une vision encyclopédique, celle du “musée des musées” ; et moi, modestement, défendant l’idée d’un musée, sinon universel, du moins conférant aux œuvres qu’il abrite valeur d’universalité », confiera le Président en 2001, lors de son discours pour le départ à la retraite de Pierre Rosenberg.

Lens et Abu Dhabi

« Valeur d’universalité » : l’appel sera entendu par le successeur de Pierre Rosenberg, Henri Loyrette. Sous son égide, le Louvre ouvre ses portes tous azimuts aux projets, aux antennes, à la mondialisation.

Tout d’abord aux Arts de l’islam, conformément au souhait de Jacques Chirac. Le passionné de culture et diplomate engagé est un ami du monde arabe. Pensé en 2001, créé en 2003, le département des Arts de l’islam voit sa première pierre posée en 2008 par Nicolas Sarkozy, et son inauguration en 2012 par François Hollande : de président en président, la paternité chiraquienne s’estompe.

Mais la chronologie est tenace : le Louvre-Lens, lancé en 2004, lui doit également beaucoup. Parmi Amiens, Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Calais et Valenciennes, la ville minière est nommée, le choix final ayant été laissé au Président, convaincu, dit-on, par Daniel Percheron, alors président de la Région. En 2012, trop affaibli, il n’est pas présent à l’inauguration du musée par François Hollande.

Enfin, le Louvre Abu Dhabi, commencé en mars 2007, est l’aboutissement de l’universalisme prôné par Jacques Chirac, par l’intermédiaire de ses ministres de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, puis Renaud Donnedieu de Vabres. D’autorité, et malgré les résistances et les tribunes craignant que le musée ne vende son âme contre des pétrodollars, un accord intergouvernemental est signé pour trente ans. Dix ans plus tard, Emmanuel Macron inaugure le musée voulu par Jacques Chirac.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : Les quatre Louvre du Président

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